Juste après la diffusion du Gros Journal, retrouvez en exclusivité la suite de l’interview en version longue sur Clique. Mouloud Achour, son invité et un gros +.
Ce soir, Mouloud Achour reçoit le rappeur légendaire JoeyStarr, dans un endroit tout aussi mythique : les Bains Douches, haut lieu des nuits parisiennes. JoeyStarr y écumait les soirées à l’époque de NTM. Aujourd’hui, il revient avec un livre intitulé Pensées, répliques & autres tac-tac qui réunit interviews, anecdotes et punchlines sur son père, la politique, la jeunesse. Vingt ans après avoir chanté « Qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ? » le rappeur nous livre sa vision de la société et du rap d’aujourd’hui, et nous donne des informations exclusives sur un retour de NTM…
Interview de Joey Starr version longue – Le… par legrosjournal
Mouloud : Comment ça va Didier ?
JoeyStarr : Ça va.
Ça me fait plaisir de t’appeler Didier parce qu’à la télé, ils t’appellent tous JoeyStarr. Et ils jouent tous à se faire peur quand ils t’invitent. Même pour un téléfilm, tu seras Joey Starr, le rappeur qui fait peur.
Ouais, c’est la vie !
Pourquoi est-ce que ça te colle à la peau ?
Ben parce que je pense qu’à mon avis, ils ne savent pas te prendre. Ils sont toujours surpris de ce que tu peux faire à côté. Moi la promo me fait chier, donc à partir du moment qu’après je rentre chez moi. Je retrouve les miens, auprès de qui j’suis Didier.
Et sur Instagram ! La dernière fois qu’on s’est vu, c’était pour parler de ton compte Instagram. Et tu sais que pendant un an, donc là ça va faire un an qu’on s’est parlé de ça, il y a toujours quelqu’un qui me parle de ton Instagram.
Ouais. C’est assez drôle ouais. Je l’étais déjà mais je suis devenu très addict à ça.
Si il y a un hashtag qui peut résumer ta vie, ton œuvre…C’est #humourdemerdrequifaitrirequemoi
Ouais, j’vis pas dans l’œil de l’autre quoi ! Moi si ça me fait rire, ça me fait rire. Et si t’es pas content, ben voilà ! Il y a de la place pour tout le monde en dehors de mon espace à moi.
Tout le monde pensait que Nique ta mère, ça voulait dire « on veut tout brûler », alors que ça voulait surtout dire, « on veut s’amuser ». Il y avait un côté comme ça.
Ouais, il y avait une idée libertaire derrière. Vaut mieux pas essayer de trop nous amuser mais sinon ouais. On avait envie de profiter quoi.
On est ici aux bains douche. Et ça a du sens parce que quand j’étais ado je passais devant cette boîte, qui était genre la boîte ou tout le monde rentrait, où moi je ne rentrais pas, et où je voyais tout le temps quelqu’un rentrer : c’était toi. On me disait tout le temps : « pousse toi, il y a Joey Starr ».
Mais tu sais, tout le monde a eu cette époque-là. Moi aussi, j’ai vu des gens rentrer et je ne rentrais pas non plus. Pour d’autres raisons. A l’époque je faisais des graffitis donc j’étais tâché et je pensais que je pouvais aller en boîte comme ça.
Mais à cette époque, j’aime beaucoup en parler avec toi, c’est que les gens qui ont vraiment amener le hip-hop en France, ce sont les gens qui avaient des boîtes comme celle-là, comme Les Bains-Douches, où il y avait un mélange qui se faisait.
Ouais il y avait la petite session bomb house ou il . On mettait deux heures à rentrer pour une demi-heure de kiff.
Et surtout à l’époque, la culture hip-hop, c’était quelque chose de super différent, qui était accueilli par les élites. Maintenant, c’est une culture qui est hyper populaire. Et c’est rejeté par les élites.
Oui qu’est ce que tu veux que je te dise. C’est une boucle ! Je ne sais pas quels seront les prochains punks. Ce seront eux avant tout.
Les politiques parlent souvent, dans leurs éléments de langage, d’incompréhension des élites du peuple.
Mais on ne sait pas qui c’est les mecs non plus, donc je comprends ! Ils ne nous connaissent pas, ils ne nous comprennent pas.
J’ai l’impression que c’est la même chose avec les journalistes et toi.
Je pense que les journalistes sont censés nous informer, nous mettre au jus de, qu’on puisse palper la température ambiante et tout ça. Regarde les élections américaines, j’ai l’impression qu’ils font un peu ce qu’ils veulent les mecs. Puis après, on se retrouve chez les mecs de droite.
Chez tes copains ?
Chez mes copains. D’ailleurs big up Sarkozy, c’est bien. Comme dirait Johnny : « pour toi la vie va commencer là ».
NTM il y a vingt ans, c’était l’argent pourri les gens, premier album. Aujourd’hui, le rap c’est du biff, du biff, du biff. Est-ce qu’on peut leur jeter la pierre ?
Oui et non. Le problème c’est qu’on a l’impression de faire de la culture alors que pas du tout en fait. ON est un reflet de plus en plus pur de tout ce qui nous entoure.
Quand NTM Chantait « qu’est ce qu’on attend pour foutre le feu », j’ai l’impression que le feu, vous l’avez contenu.
On en a parlé justement, on a été le lanceur d’alertes. Je pense que c’est surtout comme ça qu’il faut le voir. Contenu, non je ne pense. Après si il y avait des gens qui devait contenir le monde, par rapport à toute cette violence quelle qu’elle soit, je pense que Dylan et d’autres l’auraient fait avant nous.
C’était il y a 20 ans, qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ? Tout le monde disait : « NTM, c’est violent ». NTM disait : « on est violents, parce que la société est violente ». Est-ce que tu penses que la société est encore plus violente qu’avant ?
Oui, tout à fait.
Qu’est-ce qui te choque quand tu vois les nouvelles générations ? Qu’est-ce qui te choque dans les comportements ?
Aujourd’hui, l’individualisme a pris une violence hors normes. On va reparler de ces flics qui se sont fait brûlés dans leur caisse, pour du business quoi. A un moment on oublie que ce sont des gens, qu’il y a des familles. Ça, c’est violent. La pensée des jeunes, genre chacun son territoire, les mecs sont prêts à faire n’importe quoi. Et puis surtout, tout quoi. Cette manière d’être désoeuvré, d’aller se foutre, d’aller adhérer à n’importe quoi. Je pense que ce qui est violent, ce n’est de plus pouvoir s’inscrire dans une légende personnelle. Briller aux yeux des siens aujourd’hui, ce n’est pas évident. C’est dur d’être un rêveur, c’est dur d’avoir des aspirations différentes de ce qu’on projette et ainsi de suite. Pour moi, ça c’est très violent. Et ça ne va aller qu’en s’empirant.
50 piges. Qu’est-ce-que ça fait ?
Moi j’ai une vie à part. Quelqu’un qui a une vie à lambda à 50 piges. Moi à 50 piges, j’ai 50 piges en short.
Mouloud : Tu peux me faire un kiff ? Ça ressemble à quoi un cri de Joey Starr à 50 piges au réveil ?
Tout à l’heure, ça a été « fil de pute ». Je me suis étiré et j’ai dit ça. Tu comprends pourquoi je suis célibataire.
Ecoute, je ne vais pas te présenter l’amour aujourd’hui. Mais je ne suis qu’amour et surtout avec toi.
C’est toujours gênant ce petit sourire en coin avec toi.
Toi, ce sont tes lèvres.
Fais gaffe, on va nous prendre pour d’autres.
Il paraît qu’il y un film NTM en préparation.
Il paraît.
Tu n’es pas au courant ?
Si je suis au courant vite fait, je sais que c’est dans les tuyaux. Mais c’est Koolshen qui gère ça. Donc j’en sais pas plus.
Comme je sais que vous êtes remontés en scène ces temps-ci, et que ça s’est plutôt pas mal passé entre Koolshen et toi…Est-ce qu’il y a eu des petites sessions studio ?
Non, rien de tout ça, mais je pense que s’il fallait, ça se pourrait. Pas forcément pour agrémenter ce truc là mais on en a parlé, on s’est dit pourquoi pas. Et puis voilà, c’est encore dans les tuyaux.
Un album NTM avant c’était non définitif, c’est mort. Et là, c’est possible. Ben ouais mais les temps changent,
C’est ce que je voulais entendre ! Il y aura un album de NTM
On viellit, il s’est fait un peu tirer la peau, moi aussi. Du coup, on n’est plus les mêmes.
C’est la bonne nouvelle de cette émission.
J’ai une tête à me faire tirer la peau ?
T’as une tête à avoir tiré des peaux en tout cas !
Ouais, ouais, plutôt. J’en ai fait des liftings. A des gens.
La bonne nouvelle, un album de NTM. L’exposition qu’il faut absolument aller voir…
Il y a l’expo, qu’il faut aller voir à l’Art Cube, à partir du 2 décembre.
Le bouquin…
Il y a le bouquin, Puis après il y a des petites choses dans les tuyaux. Je suis en réécriture là. Retourner faire de la scène.
L’émission touche à sa fin. C’était le Gros Journal. Est-ce que tu peux juste me faire un vrai kiff, j’aimerais bien entendre le cri du jaguar dans cette émission. Merci beaucoup Didier.
De rien mon pote.