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Société
Par Norman Clerc

Facebook péterait t-il les plombs ?

Il a d’abord acquis la technologie pour vous transporter dans une autre réalité de sur-consommation virtuelle. Il a ensuite amorcé le contrôle du ciel par des drones équipés de “lasers à internet” en mars dernier. Depuis quelques temps, le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, accélère les démarches pour atteindre l’omniprésence et l’omniscience qu’il ambitionne pour son réseau.

Lors d’une session de Questions / Réponses sur son profil le 30 juin, Mark Zuckerberg a même dévoilé son but à long-terme : aller chercher les informations à la source, soit… dans votre cerveau. « Un jour, je pense que nous serons capable de nous envoyer directement des pensées enrichies par la technologie. Vous aurez juste à penser à quelque chose et vos amis seront immédiatement capable de l’expérimenter à leur tour si vous le voulez. Ce serait la technologie de communication ultime. » Comme toujours lorsqu’il s’agit d’atteinte à la vie privée, la chose est présentée comme révolutionnaire, philanthrope et bienveillante.

Mais même si la technologie qu’il veut développer serait en soi l’une des plus grandes inventions du siècle, elle pose de nombreuses questions éthiques. « Cette augmentation du pouvoir des gens à partager est l’une des principales forces motrices du monde d’aujourd’hui. » ajoute-t-il ; les gens seraient le moteur, mais qui contrôle la machine ?… Probablement Facebook, c’est en tout cas ce qu’essaye de mettre en place Mark Zuckerberg, et c’est ce qui pose problème.
Cela fait déjà quelques temps que Zuckerberg prépare le terrain pour ses armes de connexion massive. « Facebook ne veut pas être l’une des options possibles pour partager votre contenu personnel avec vos amis et des inconnus. Il veut être la seule. » pouvait-on déjà lire sur Slate en 2012 après le rachat d’Instagram pour 1 milliard de dollars. Deux ans plus tard le groupe acquiert Whatsapp pour plus de 20 milliards et se paye Oculus Rift, qui développe des casques de réalité virtuelle, pour 2 milliards dans la foulée. Pour Mark Zuckerberg la réalité virtuelle comme outil informatique global ou de communication deviendra « la norme » bientôt ; ou en tout cas il fera en sorte que ça le soit. « L’entreprise se concentrera d’abord sur la distribution à grande échelle et ensuite sur la création d’un réseau où les gens communiquent et achètent des biens virtuels. » disait-il à propos des casques Oculus.

Sans revenir sur tous les points qui font que Facebook est à la vie privée ce que Monsanto est à l’écologie, ce qui change aujourd’hui, c’est qu’il ne s’en cache plus. Facebook ne veut plus se connecter au monde, il veut vous plonger dans le sien, où, bien évidemment « il y aura de la publicité ». Si pour le moment les “lunettes” Oculus sont en fait des casques avec lesquels on ne peut pas se balader, il ne fait aucun doute que Facebook planche déjà sur son propre modèle de Google Glass connectées. Il le dit d’ailleurs lui-même si bien dans son Q/R : « Aujourd’hui nous avons ces appareils incroyables en permanence dans nos poches, mais nous ne les utilisons que périodiquement dans la journée. Dans le futur, nous aurons la réalité augmentée et d’autres appareils que nous pourrons porter presque en permanence pour améliorer notre expérience et notre communication ».

Dans le futur, avoir les yeux rivés sur son smartphone ne suffira donc pas, il faudra que les réseaux sociaux soient présents partout où vous posez les yeux… mais pas qu’eux. En temps réel des millions d’informations viendront combler le vide (présumé) de votre vie et de votre vue. Il suffira de passer devant un magasin avec les lunettes Oculus pour que ses promos défilent devant vous ; votre oeil s’attarde sur une voiture ? Un spot de pub se lance dans le coin de votre vision pour vous la vendre. Il sera probablement déconseillé de se rendre dans une galerie marchande si vous êtes cardiaque…

Mais aussi effrayant que ce futur puisse paraître pour nous, citoyens du monde connecté, nous sommes pourtant déjà du passé pour Facebook et Google. Les deux géants de la surveillance et de l’étude de nos données se battent pour devenir le nouveau maître à penser, la nouvelle religion, voire, grâce à la technologie, le nouveau Dieu cyborg. Alors que nous sommes déjà acquis à leur cause pour eux, il suffit de nous fournir du nouveau contenu, leurs nouveaux fidèles se trouvent dans les « près de 2/3 du monde qui n’a pas accès à internet ».

Leur problématique centrale est alors devenue : comment amener internet rapidement et facilement à tout ce petit monde ? Par les airs bien sûr ! Ils ont ainsi tous les deux racheté des firmes de drones : Titan Aerospace pour Google et Ascenta pour Facebook. Équipés de lasers ces drones pourront transférer des datas et amener internet là où ils le voudront. Celui de Facebook a même déjà passé son premier test avec succès. En parallèle, Mark Zuckerberg développe “Internet.org”, la plate-forme qui sera distribuée via les drones et qui est déjà disponible sous la forme d’une application qui « offre des services de base gratuits dans des marchés où l’accès Internet peut être moins abordable. ».

À terme, l’ambition est de devenir à la fois le fournisseur d’accès, et le fournisseur de contenu, puis l’exploitant et le revendeur, exclusif dans tous les domaines.

Mark Zuckerberg veut même faire de Facebook la première plateforme de lecture d’information. A la question « Quel est le futur rôle de Facebook dans les médias selon vous ? », il répond clairement « La “prochaine étape”, c’est réellement de rendre les Articles Instantanés [ceux qui sont hébergés directement sur le site] totalement opérationnels et d’en faire la principale expérience d’information que les gens ont ». Facebook reverserait tout de même tous les revenus publicitaires engrangés par les articles stockés, mais propose aussi de gérer la pub pour les médias, et de prendre alors 30% de commission. Au-delà du fait de garder ses utilisateurs sur sa seule plateforme plus longtemps et pour plus de choses, Facebook espère là aussi concurrencer voire dépasser Google, qui n’est pas très bien vu dans le secteur.

« A more connected world is a better world! » conclut Mark Zuckerberg en réponse à une autre question. John Naughton (auteur du livre “De Gutenberg à Zuckerberg: Ce que vous devez vraiment savoir à propos de l’Internet”) conclut, plus pragmatique, sur le Guardian : « Ils insistent pieusement, bien sûr, que cette nouvelle connectivité sera bonne pour l’humanité, et peut-être qu’en effet elle le sera. Mais en fin de compte la rentabilité, comme la charité, commence à la maison. »

Cet hérétique de Mark Zuckerberg s’est d’ailleurs fait des ennemis et des concurrents au sein d’un groupe d’évangélistes brésiliens. Ils abhorrent Facebook -ce repère de pêcheurs emmené par un faux prophète- et pour offrir une alternative pieuse aux croyants ils ont donc créé Facegloria. « Le réseau social parfait pour partager l’amour et la sagesse chrétienne avec les autres », dans un pays où l’immense majorité de la population est chrétienne d’abord, catholique ensuite, et de plus en plus évangéliste. Attila Barros, l’un des créateur du site, a même dit à l’AFP qu’ils comptaient être moralement et techniquement supérieurs à Facebook. Mais même avec un nom pareil on a du mal à y croire ; “là où Attila passe…” ça marchait quand le Hun ne luttait pas contre des avions sans pilotes 20.000 mètres au-dessus. Alors lumière divine contre lasers droniques, la foi contre la science… c’est un peu galvaudé comme combat tout de même.

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