La nouvelle campagne de communication de l’ONG SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a décidé de mettre en lumière les commentaires haineux au sujet des réfugiés sur les réseaux sociaux.
L’organisme créé en 1980, spécialisé dans l’accès à l’eau potable, vient en aide aux populations victimes de catastrophes naturelles, de guerres et d’épidémies dans 18 pays. Face à la cyber-violence à l’encontre des réfugiés, l’ONG fait appel à la solidarité humaine, et rappelle son engagement pour une action humanitaire impartiale. On en a profité pour discuter « haters », xénophobie, misérabilisme et mandat humanitaire avec Alexandre Giraud, le Directeur Général de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL.
Clique: La campagne montre le « déferlement » de haine sur les réseaux sociaux de l’ONG. Olivier Moine, le directeur de création de l’Agence ICI BARBÈS qui a réalisé la campagne parle d’un phénomène qui « n’existait pas il y a deux, trois ans ». Il y a donc une réelle augmentation de ce type de cyber-violences ces dernières années ?
Alexandre Giraud : On ne se positionne pas du tout comme des sociologues ou des grands analystes des médias : on a juste voulu mettre en avant les commentaires haineux pour éviter qu’ils se banalisent. On a tendance à y faire de moins en moins attention, et ils sont de plus en plus réguliers… C’est un peu nier notre humanité de les accepter.
Quand on est sur le terrain, dans des situations de survie, on intervient dans des pays ravagés par des conflits ou des catastrophes naturelles. On est sur un élan naturel de solidarité : aider les gens. Se dire que dans certains cas il peut y avoir un élan totalement contraire, ça nous questionne sur l’état de la population en général. Pourquoi cette solidarité, qui est censée être une pulsion instinctive face à la souffrance, s’efface dans certains cas ?
Dans le dossier de présentation de la campagne, vous parlez de terrorisme, de crise économique, de politique, de la crise sociale et migratoire … Ce sont les facteurs qui poussent à la violence selon vous ?
Ce que l’on voit sur les réseaux sociaux, ce sont des réponses à la peur qui peut être générée par les discours anxiogènes. Quand on regarde les Unes des journaux, on a l’impression que partout dans le monde il y a des catastrophes, des menaces, etc. C’est peut-être de cette surexposition que viennent ces commentaires violents. Et c’est un peu dommage, parce que finalement on se déconnecte de la réalité et du lien que l’on peut avoir avec la communauté humaine.
Il y a un parallèle que je trouve assez intéressant avec l’aide humanitaire : les travailleurs sur le terrain sont souvent confrontés à des situations extrêmement difficiles, et c’est délicat émotionnellement de se ramasser des histoires aussi dures… Souvent, le mécanisme de défense que l’on va développer en tant que travailleur humanitaire est une forme de cynisme. C’est toujours un indicateur qui nous fait nous dire : il faut faire attention, quand on commence à être moins empathique. C’est peut-être le moment de souffler et de prendre un peu de distance.
Est-ce qu’il y a des pays d’intervention qui donnent lieu à plus de commentaires haineux ? Et est-ce qu’il y a des causes auxquelles les gens sont plus sensibles ?
Il y a des crises qui vont générer plus de sympathie, ou à l’inverse d’antipathie. Ça dépend du niveau d’exposition médiatique global. Par exemple, les crises « oubliées », comme le Yémen, le Soudan du Sud ou la République Centrafricaine, qui ne sont pas celles qui ont le plus d’exposition médiatique, sont celles qui vont générer le moins de réactions.
Faut-il répondre aux « haters », ou supprimer leurs commentaires ?
La meilleure réponse est d’expliquer ce que l’ont fait, comment on le fait et pourquoi on le fait. Internet ça reste quelque chose de nouveau pour nous…
Pour les ONG vous voulez dire ?
Non, pas uniquement au niveau des ONG. Il y a un manque de maturité général. On ne se rend pas compte du pouvoir incroyable qu’on a d’avoir la possibilité de lancer un message au monde entier. Mais c’est aussi une grosse responsabilité. Est-ce-que les personnes réfléchissent avant de communiquer sur les réseaux sociaux et sur internet en général ? Peut-être pas suffisamment…
On a tous en tête des campagnes de communication d’ONG montrant des images terribles d’enfants qui meurent de faim, par exemple. Le misérabilisme comme outil marketing est un levier classique dans la communication des ONG. Pourtant, cette campagne semble en total décalage avec ça. Est-ce un geste volontaire et conscient pour rompre cette image ?
Pour cette campagne, c’est définitivement volontaire. Mais ce n’est pas un sujet simple de savoir ce « qu’est » le misérabilisme. Quand on présente objectivement des situations que l’on peut rencontrer sur le terrain, ça peut être rapidement qualifié de « misérabiliste ». On est, dans certains cas, sur des situations de souffrance importante et de vulnérabilité assez extrême.
Quand on fait face à des personnes qui ont été déplacées, qui ont perdu toute leur famille, face à des situations sanitaires déplorables, des situations de non-accès à des besoins de base comme de l’eau propre ou de la nourriture… Retranscrire leur histoire sans misérabilisme n’est pas évident ! Je pense en revanche qu’on a été surexposés à ce genre de messages. Est-ce que, justement, le public ne s’est pas « coupé » de ça, et est devenu plus cynique ?
Le mot de la fin ?
« Répondons solidarités ». C’est vraiment quelque chose qu’on voudrait communiquer, parce que c’est important de se rappeler que c’est une valeur première qu’on a tous en réponse à la souffrance. Face à la distance que l’on peut avoir au monde, rappelons que la solidarité dans le rapport humain est une valeur première.
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Image à la Une : SOLIDARITÉS INTERNATIONAL