JoeyStarr : la suprême interview

Voir Clique x JoeyStarr Part 1 : « On a essayé de comprendre l’Instagram de JoeyStarr ».

Suite de notre entretien avec JoeyStarr qui, à bientôt 48 ans, est un pilier du rap français. Aujourd’hui, son groupe NTM est devenu une légende. Lorsqu’on lui demande si son apparition dans l’un des clips de Kaaris peut être interprétée comme un passage de flambeau, il répond qu’il a simplement accepté une invitation  :

« Kaaris a chopé le flambeau avant même que je le pose ».

JoeyStarr a toujours répété, dans ses textes, son attachement à la Seine-Saint-Denis, et son visage a longtemps été associé à ce département. Il n’y vit plus depuis longtemps, mais qu’on le lui rappelle ne lui pose aucun problème :

« La dernière fois que je suis allé dans le 93 ? On s’en fout, je suis pas le pape »

On se remémore, avec lui, les jeunes années du hip hop. À l’époque, lui dit-on, le style vestimentaire des rappeurs était beaucoup plus recherché qu’aujourd’hui, où les rappeurs sont soit torse-nu, soit habillés comme Monsieur Tout-le-Monde – ou presque. Il acquiesce :

« Déjà, je ne fais pas du R’n’B, je suis jamais torse-poil »

Même s’il dit que lui-même a vu son style évoluer :

« J’amenais mes fils à la crèche, et je me suis dit : j’ai le même falzar qu’eux, sauf qu’eux ont des couches et moi non, alors pourquoi j’ai un pantalon aussi large ? »

Aux débuts du hip hop, se souvient-t-il,

« On était très fins, entre le Tobacco, le Tacchini et les Weston ».

Arrêtera-t-il un jour la musique ? Pas pour l’instant : il doit  « tellement à la musique », nous dit-il, qu’il a le sentiment de devoir « être au garde-à-vous ».

« J’arrêterai la musique quand le corps ne suivra plus. Le studio c’est une souffrance. Le vrai but c’est de monter sur scène ».

En 2015, d’ailleurs, pense-t-on que le rap c’est seulement de la musique ? Les plus jeunes ont-il oublié la culture qu’il y a derrière ? Visiblement, selon Joey :

« Avec leurs baskets, leurs chaînes et leurs petits accessoires machins, je les prends aussi pour des Barbapapas, je les laisse faire (…) Nous, il n’y avait pas que la posture, on était habités par quelque chose ».

Lorsqu’on lui demande comment il s’est retrouvé à fréquenter le milieu hip hop, il nous raconte que c’est d’abord par la danse qu’il s’y est plongé.

« A l’époque nous on était à fond dans le jazz funk. On se baladait avec des petites ballerines (…) on se prenait déjà pour des grands danseurs. Un jour, j’entends un beat hip hop, je me dis « Qu’est-ce que c’est que ça », et j’ai arrêté les ballerines. Ça a changé ma vie, du jour au lendemain ».

À tel point qu’il quitte le domicile familial, très jeune. Il  part avec des amis, pour aller danser au carnaval de Venise pour le compte d’une école de danse contemporaine :

« J’ai fugué, pendant un an et demi ».

« Je donnais des cours de stretching en italien à des rombières. Aujourd’hui c’est la zumba, à l’époque c’était le stretching ».

Mais il n’y a pas que la danse. Il nous parle aussi de sa passion pour le graffiti, « un eczéma que t’arrives pas à atteindre« .

« Pour moi, le graffiti est plus subversif que le rap »

Quant à ceux qui s’imaginent qu’il joue un personnage, qu’il se met en scène, voilà ce qu’il leur répond :

« Beaucoup de gens pensent que je suis dans un rôle… Demande aux gens qui m’entourent, ça doit être éreintant. »

JoeyStarr est très souvent dépeint comme un personnage agressif, parfois instable.

« Les gens du cinéma, je leur fais encore un peu peur. (…) Faut becqueter, je sais encore ce que ça veut dire ».

On lui demande, alors, si lui aussi a déjà été agressé :

« Quand je vais en boîte, il y a des gonzesses qui me pincent le cul », rit-il.

Ceux qui l’agacent vraiment, ce sont ceux qui le prennent pour un « mec en plastique »

« Mon but dans la vie, c’est pas d’aller au placard ni de faire le bad boy. C’est de continuer à me réaliser, à faire ce dont j’ai envie, emmener les miens avec, et voilà ».