Avec 1 Oscar, 1 César, 1 BAFTA et 70 films à son actif, Juliette Binoche fait partie des actrices françaises les plus renommées à travers le Monde. Après son entretien pour Libération où elle révèle l’envers du décor de ses 20 premières années de carrière, cette dernière s’est confiée à Mouloud Achour. Une émission émouvante où l’actrice revient sur ses engagements, la sexualisation systématique de sa présence à l’écran et les divers abus psychologiques et physiques du milieu du cinéma.
“C’est passé mais je n’ai pas oublié”, voilà les mots assénés par Juliette Binoche à Mouloud Achour après être revenue sur ses 20 premières années de carrière, jonchées de violences sexistes et sexuelles, subies ou dont elle a été témoin.
Après la publication d’un entretien fleuve pour Libération le 26 avril, le témoignage choc de Juliette Binoche a ébranlé, une nouvelle fois, le monde du cinéma français. Elle y raconte ses tournages avec Jean-Luc Godard, Jacques Doillon, André Téchiné ou encore Pascal Kané, avec qui elle est à la fois entrée dans le monde du cinéma et des adultes, projetée avec violence dans un univers malsain dont les codes n’avaient pas encore été remis en cause. “À l’époque, je ne me posais pas de question, car il y avait cette demande de nudité dans pratiquement tous les castings, je ne le prenais pas personnellement” se souvient-elle.
“Ce que j’ai vécu ce n’est rien par rapport à ce que d’autres ont vécu.”
À tout juste 18 ans, elle se retrouve ainsi à devoir réciter nue un poème face à Jean-Luc Godard qui la filme, à rester figée lorsque la main d’un acteur du film Rendez-vous se pose sur son sexe, ou à découvrir, encore et encore, son corps nu exposé en tête d’affiche, comme un produit à consommer. À cette époque, la jeune actrice avait “l’impression de ne pas avoir la possibilité de dire non”.
“Ce que j’ai vécu ce n’est rien par rapport à ce que d’autres ont vécu” affirme-t-elle avant de se remémorer avec difficulté la scène de viol dont elle a été témoin sur le plateau des Enfants du Siècle. “On a tellement pas envie que ce soit vrai qu’il y a une partie de nous qui met ça sur le côté parce que c’est trop dégueulasse” confie-t-elle, comprenant plus tard la scène face à laquelle elle s’est retrouvée spectatrice impuissante.
“Il fallait avoir du courage pour être acteur” et Juliette Binoche a fini par comprendre qu’il lui faudrait aussi un désir de vivre à toute épreuve. Lorsque sur le tournage des Amants du Pont-Neuf, elle se retrouve à côtoyer la mort de près, elle se dit “Putain, la vie, je ne la lâcherai pas”. Autre déclic, le casting pour un film de Sébastien Japrisot, où après avoir dû défiler longuement en sous-vêtements et jarretelles, elle a fini par partir en rage. “Il faut savoir se retirer et dire non, claquer la porte s’il le faut” décide alors l’actrice, se refusant à la loi du silence qui asphyxie le monde du cinéma depuis des décennies.
Si l’actualité autour de l’annulation d’une des condamnations pour vi*l d’Harvey Weinstein a scandalisé par son air de retour en arrière, il n’empêche que la révolution #MeToo a permis une véritable transformation du milieu du cinéma. Aujourd’hui, aucune scène de sexe ou de nudité ne se joue sans coordinateurs d’intimité, afin de préserver les acteurs et actrices. La prise de conscience du male gaze et des abus subis, particulièrement par les actrices, se généralise et devient un véritable sujet de société.
« Il est fondamental que les hommes prennent la parole, parce qu’à partir du moment où on est entendu et écouté, on existe et la douleur fait un peu moins mal. »
Une lutte où les hommes ont aussi leur rôle à tenir, en écoutant, soutenant et admettant une réalité qu’ils ont pu, inconsciemment ou non, entretenir.
Dernièrement, lorsque Zendaya a dû jouer une scène de sexe à trois pour le film Challengers, les commentaires ont fusé, certains se demandant comment son petit ami Tom Holland pouvait supporter ce genre de comportement, mêlant réalité et fiction et infantilisant l’actrice devenue propriété d’un homme. C’est le musicien Jake Hamilton, lors de son interview des acteurs pour la promo du film, qui a été le premier à soulever cette bizarrerie, pour laquelle Zendaya l’a remercié d’en parler ouvertement.
Le 30 avril, en France, 100 hommes manifestent leur soutien au mouvement #MeToo par la diffusion d’une tribune dans le magazine Elle, signée notamment par Swann Arlaud, Reda Kateb ou encore Jacques Audiard. Pour Juliette Binoche, sur le plateau de Clique le jour de cette publication, il est “fondamental que les hommes prennent la parole, parce qu’à partir du moment où on est entendu et écouté, on existe et la douleur fait un peu moins mal”.
L’objectif de cette éprouvante prise de parole est simple : “ne pas faire peur mais reconnaître la douleur qui a été traversée” afin, peut-être, de parvenir enfin à l’éviter.
L’émission est à retrouver en replay sur myCANAL et l’interview de Juliette Binoche est disponible sur la chaîne YouTube CliqueTV.
Clique, tous les soirs en clair à 19h45 sur CANAL+.