Tous les jours en exclusivité sur Clique, retrouvez le Gros Journal en version longue : Mouloud Achour, son invité et un gros +. Ce soir, Mouloud Achour pose le plateau du Gros Journal dans la salle de classe d’un professeur un peu particulier, Monsieur le Prof. Avec près de 190 000 abonnés sur Twitter et autant sur Facebook, il est l’un des profs les plus célèbres de France. Il assume son personnage de troll, tournant en dérision son quotidien de professeur au collège un tweet après l’autre et dans un ouvrage paru cette année, « Monsieur le Prof ». Mais il nous parle aussi de l’envers du décor, des difficultés d’un métier qui n’est plus « séduisant », et de la réaction des élèves après les attentats.
Interview de Mr Le Prof version longue – Le… par legrosjournal
Mouloud Achour : Comment ça va ?
Monsieur le prof : Très bien et toi ?
Ça me fait très bizarre d’être là dans une salle de classe, en plus avec un prof qui est masqué. Rassure-moi, tu n’es pas Fuzati du Klub des Loosers ?
À Priori non.
Tu n’es pas Kalash Criminel ?
Ah ça !
Daft Punk ?
Ah…
Non plus ? On ne sait pas ? Les gens te connaissent sur Twitter, sous le nom de Monsieur le Prof. C’est un des comptes qui me fait le plus rire. Parce que c’est le compte d’un prof qui se moque beaucoup de ses élèves. À la télévision, il y a souvent des profs qui viennent se plaindre des conditions de travail compliquées de votre métier, parce que ce n’est pas un métier simple. C’est une vocation. Ce qui est drôle avec toi, c’est qu’on a l’autre point de vue, celui qu’on n’entend jamais. Celui du prof qui aime faire « psychoter » les élèves, qui dit qu’il est content d’être payé par les impôts pour les faire chier, le prof qui maltraite leurs copies. En fait, tu es un prof et un troll en même temps. Quelle est ta vocation première ? Pourquoi as-tu choisi ce métier ?
Depuis que je suis tout petit, on me dit que les profs sont des feignasses qui glandent, qui ont plein de vacances. Je me suis dit : « Parfait, c’est le métier qu’il me faut ! ».
C’est vrai ?
J’ai fait des études d’anglais – parce que j’adore l’anglais – et à la fin de mes études, je devais me trouver un métier donc j’ai passé le CAPES et puis je l’ai eu. Je me suis lancé là-dedans et il se trouve que j’ai bien aimé mon métier alors j’ai continué.
Quand on lit ton livre, on a envie de retourner à l’école et d’avoir un prof comme ça qui nous fasse marrer, qui nous vanne.
Oui, c’est un peu ça l’idée. Sur mon compte Twitter, je suis un peu un grand gamin. Je raconte le côté prof comme si j’étais un élève, un ado qui aime vanner. Je trouve que c’est important de ne pas trop se prendre au sérieux en classe.
Il y a un truc qu’on oublie de dire à l’école, c’est que tout le monde en ce moment nous fait la promotion du vivre ensemble, comme s’il n’existait pas. Est-ce que vous, en tant que prof, vous le voyez naitre, vivre, exister ?
Ce n’est pas facile. Avec les attentats qu’il y a eu ces derniers temps, le vivre ensemble a un peu éclaté. Après les attentats de Charlie Hebdo, beaucoup d’élèves ne savaient pas ce qui s’était passé, ne comprenaient pas, parce que leurs parents ne leur en avait pas parlé. Ils ne savaient pas ce qu’était Charlie Hebdo. Ils pensaient que c’était quelqu’un, une personne. On avait ce devoir de leur expliquer ce qui s’était passé. Et ce que j’ai remarqué dans certains établissements, c’est qu’il y a un rejet des élèves entre eux, dès le plus jeune âge et moi ça m’a assez choqué.
Comment se manifeste ce rejet entre eux ?
Ils s’insultent, se traitent de blédard et compagnie. Ça change selon leurs origines…
Faut-il prendre ces insultes au premier degré ?
Il faut les prendre au sérieux. Certains disent ça pour rigoler mais je pense qu’il faut faire attention. Il faut être vigilant.
On dit souvent que c’est compliqué pour un prof, d’expliquer les attentats aux élèves, mais comment l’encaisser quand on est prof ?
C’était très compliqué. J’ai mis mon masque de prof de côté – parce qu’on a un masque – et je pense que la première chose à faire est de les laisser parler, leur demander ce qu’ils ont compris, ce qu’ils ont ressenti. Ensuite, vient le moment d’adapter et de corriger.
Souvent on dit que les profs votent à gauche et que les ouvriers aussi. Aujourd’hui, les ouvriers votent de plus en plus à l’extrême-droite. Est-ce pareil chez les profs ? Sont-ils séduits par d’autres choses ?
Je ne sais pas si ils sont séduits mais beaucoup sont déçus par la gauche et les dernières réformes, notamment la réforme du collège. Mais ils ne vont quand même pas se tourner vers la droite parce que, là par exemple, depuis l’annonce de François Fillon de supprimer 50 000 postes de fonctionnaires, nous sommes en première ligne ! Donc ça ne nous séduit pas vraiment.
On dit souvent que prof, c’est le plus beau métier du monde. Est-ce que c’est un métier d’avenir ?
Le problème c’est qu’on voit que le nombre de démissions de prof a doublé depuis quatre/cinq ans, et même s’il y a beaucoup de propositions de postes, personne n’est intéressé. Est-ce que c’est un métier d’avenir ? Je ne pense pas.
Mais on a besoin de profs pour être éduqués !
On a vraiment besoin de profs !
Et même pour aimer l’école !
Moi si j’avais eu un prof comme vous, je serais encore à l’école.
Ça veut dire que vous auriez beaucoup redoublé alors ! Comment peut-on rendre ce métier attirant ? On met des masques, on écrit des livres comme vous ?
Moi je reçois beaucoup de messages de gens qui me motivent à être prof, qui me disent que ce que je fais est vraiment bien. Et en fait, je montre le côté un peu marrant du métier, le fait qu’on a, en face de nous, des élèves qui ont des histoires. On vit chaque jour une aventure différente. Ça pourrait être un épisode de série. Effectivement, ça peut rendre le métier attractif.
Ça pourrait être le métier le plus cool du monde, au lieu de dire le plus beau du monde. C’est peut-être ce qu’il faudrait faire pour rendre l’école attractive.
Oui, c’est un métier super cool mais aussi très difficile.
Il y a des cellules de crise pour les profs ? Des cellules psychologiques ?
Il y a la salle des profs et la machine à café.
Quand je vois le masque et le besoin de parler des profs, il faudrait peut-être créer un groupe de discussions, les profs anonymes par exemple ! Comme les alcooliques anonymes. Non, ce n’est pas une blague !
Il y a des groupes Facebook qui se créent où on parle de ces problèmes, il y a vraiment un soutien et je trouve ça assez beau.
J’ai une question très simple : si un jour j’ai des enfants, je les mets dans le privé ou dans le public ?
J’ai eu cette discussion avec un ami il n’y a pas très longtemps et je lui disais : « Quand on est prof dans le public, on a envie de mettre ses gosses dans le privé ». Je ne sais pas comment est le privé, je n’y ai jamais été, ni en tant qu’élève, ni en tant que prof. Moi je vois les dysfonctionnements du système, donc je me dis que c’est peut-être mieux ailleurs.
J’ai une dernière question. En fait c’est moi sur ce masque ?
Ah bon ?
On dirait moi !
Il y a la petite mèche, la petite barbe.
En vérité, Monsieur le prof est un petit peu déprimé derrière son masque mais le livre est très drôle et son compte Twitter est l’un de mes préférés. C’est pour ça qu’on a fait cette émission-là. On va laisser Monsieur le Prof devant la caméra et il va conseiller aux élèves de regarder le Gros Journal.
Si vous n’avez pas de travail à faire pour demain, pas de verbes irréguliers à réviser, vous pouvez effectivement regarder le Gros Journal sur My Canal et sur Clique.tv. J’étais abonné à cette chaîne avant de participer à cette émission et j’aime beaucoup ce que vous faites.
Merci beaucoup, c’est très gentil. Moi j’étais abonné à l’école avant de faire quelque chose de ma vie.
On est tous abonné de force, c’est ça le problème !
Merci beaucoup
Merci à vous !