Ce mercredi 30 novembre sort dans les salles "Le Gang des Antillais" de Jean-Claude Barny. Le réalisateur antillais base son cinquième long-métrage sur une histoire vraie, le récit autobiographique de Loïc Léry publié en 1986.
Dans ce livre, Loïc Léry retrace son parcours, celui d’un antillais qui tente tant bien que mal de survivre avec sa fille dans la France métropolitaine hostile des années 70, aux côtés des autres antillais de la « génération Bumidom ».
Le Bumidom ? Contraction du « Bureau pour les développement des Migrations dans les Départements d’Outre-Mer », il s’agit d’un programme mis en place par l’État français en 1963 qui vise à faire venir travailler en métropole une partie de la jeunesse d’Outre-Mer qui souffrait (déjà) du chômage.
Seuls hics : le voyage pour la métropole était un aller simple, les tâches étaient ingrates et interdisaient toute perspective d’évolution. Ce programme, qui devait soigner un mal, a finalement créé une génération d’orphelins de leur terre, déplacés vers une France métropolitaine qui leur a souvent refusé une place.
Mis à l’écart de la société, sans emploi ni ressources, Loïc Léry rencontre à la fin des années 70 trois autres antillais qui refusent la fatalité de leur condition et décident de prendre les armes, entre hold-ups et revendications politiques. Ils deviennent le « Gang des Antillais », nouveaux ennemis publics après le décès de Mesrine.
Sans dévoiler l’intrigue du film, Léry fera une rencontre qui changera sa vie. Sa route croise celle de Patrick Chamoiseau, scénariste et écrivain martiniquais, lauréat du Prix Goncourt en 1992 et porte-parole de la créolité, mouvement qui vise à redéfinir l’homme noir à partir de ses racines – hors du colonialisme et de l’influence occidentale. C’est lui qui l’encouragera à raconter son histoire incroyable.
« La France nous a fait croire qu’il y avait de la place pour nous » (Trailer du film « Le Gang des Antillais »)
Le long-métrage de Jean-Claude Barny était en gestation depuis plus de dix ans. Aux côtés des acteurs qui incarnent le gang (Djedje Apali, Eriq Ebouaney, Adama Niane, Vincent Vermignon), on retrouve Mathieu Kassovitz, Romane Bohringer ou encore Jocelyne Beroard (du groupe Kassav) dans des seconds rôles. Autre parti pris intéressant : bien qu’il s’agisse d’un film d’époque, le réalisateur a choisi d’illustrer certaines scènes avec… des morceaux de rap français actuels. Un contraste saisissant et qui nourrit bien le propos – mention particulière à une très belle scène qui utilise un morceau de Lino d’Ärsenik.
S’il n’est pas exempt de défauts au niveau cinématographique, Le Gang des Antillais a le mérite de mettre en lumière un pan méconnu de l’histoire française, et c’était l’un des objectifs principaux du réalisateur, particulièrement dans le contexte actuel.
« Aujourd’hui, en France, tout est devenu politique : l’économie, la religion comme le social. Et on pense trop de choses à la place des gens concernés. Aujourd’hui le chemin qu’on prend n’est pas le bon. Il faut redistribuer une parole équitable, » déclare Jean-Claude Barny.
Le propos du film résonne encore aujourd’hui : cinquante ans après le Buridom, les territoires d’Outre-Mer souffrent plus que jamais du chômage, particulièrement les jeunes. En Martinique en 2014, près de 51% des jeunes étaient sans emploi (source INSEE).
Texte : Abdelkader Kherfouche