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Société
Par Fanny Marlier

Le syndrome méditerranéen : un stéréotype « raciste » et « dangereux » pour les patients

Victimes de discrimination, certains patients seraient négligés à cause de leur origine. Le " syndrome méditerranéen", une notion informelle mais s’imposant comme principe de conduite pour certains membres du corps médical. Décryptage.

En 2010, Karima se rend dans un hôpital de Lyon pour accoucher de son troisième enfant. Elle connaît déjà cet établissement  mais un détail a changé depuis ses deux premières grossesses : « c’était mon premier accouchement depuis que je porte le voile », confie-t-elle. Son dossier médical précise pourtant que la jeune femme a pour singularité d’accoucher très vite.

Elle raconte : « Quand j’arrive à l’hôpital, l’infirmière ne me croit pas et me dit de rentrer chez moi ». Les contractions deviennent de plus en plus régulières. « Au fond je savais que ma fille allait arriver, mais quand un professionnel te dit quelque chose tu lui fais confiance… ». Une heure après, alors que Karima est dans une chambre seule, elle commence à accoucher.

« A la suite de ça, la psychologue de l’hôpital est venue me voir, j’étais un peu sous le choc, je cherchais des explications rationnelles. Elle m’a expliqué que j’étais victime d’un « syndrome méditerranéen ». Une pratique informelle et peu connue mais utilisée par certains membres du corps hospitalier.

Le principe ? Rien de scientifique mais plutôt un jugement fondé sur des préjugés. Ce terme désigne un comportement d’exagération des symptômes de la part d’un patient et ce, du fait de ses origines et de sa culture. Et l’on retrouverait donc ce syndrome chez les populations du pourtour méditerranéen (Italie, Espagne, Portugal, Maghreb). « C’est ce qu’on appelle – entre nous, quand le patient n’est pas là – le syndrome méditerranéen », peut-on lire sur le blog « Nos Super Doc ».

« Le principal danger avec le syndrome méditerranéen, c’est qu’on peut passer à côté de vrais problèmes », reconnaît Marine, infirmière en psychiatrie à l’hôpital Saint Antoine à Paris. Aux urgences, les malades sont censés être traités en priorité en fonction de l’urgence des symptômes. Seulement voilà, en réalité, certains patients ne sont pas assez vite pris en charge, sous prétexte qu’il s’agirait d’un « syndrome méditerranéen ».

L’infirmière y voit « un ensemble de clichés racistes, comme lorsqu’on dit par exemple que les femmes africaines accouchent en hurlant ».

Pour David Le Breton, sociologue et auteur de « Expériences de la douleur » (ed. Metaillé), le syndrome méditerranéen prend sa source dans « le fantasme selon lequel les personnes méditerranéennes seraient moins résistantes. C’est une manière ironique de se moquer d’une population alors que les réactions à la douleur sont extrêmement diversifiées. » Ce terme péjoratif relèverait alors de deux facteurs : d’une difficulté de communication par le langage et de son vécu face à la douleur. Le seuil douloureux est commun à tous, mais le seuil de tolérance, lui, varie en fonction de tout un tas de facteurs.

« Même si, bien sûr, des médecins racistes vont y accorder de l’importance. Mais heureusement, tous les médecins ne s’arrêtent pas à ça » rassure Marine, infirmière. La douleur est soignée de façon individualisée et d’après elle, « tout est tellement contrôlé que l’on ne peut pas négliger un patient en fonction de son origine ».

Evidemment, la notion de « syndrome méditerranéen » n’est pas enseignée dans les écoles, mais se découvre sur le tas. C’est ce qui est arrivé à Marine :

« J’y ai été confrontée lors de mon premier stage. Un patient d’origine maghrébine se plaignait de douleurs thoraciques, raconte Marine. Mais les soignants disaient qu’il en rajoutait… »

En France, la Charte du patient hospitalisé protège le patient contre cette discrimination, qui peut porter plainte le cas échéant : « Au-delà de la réglementation sanitaire qu’ils appliquent, les établissements de santé se doivent de veiller au respect des droits de l’homme et du citoyen reconnus universellement, ainsi que des principes généraux du droit français. » Parmi ceux-ci, on trouve notamment le principe de non-discrimination.

Karima considère qu’« instaurer des stéréotypes racistes pour le traitement des patients est quelque chose d’extrêmement dangereux », conclut-elle, toujours marquée par cet épisode.

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