Du 8 juin au 16 juillet aura lieu à Houlgate, en Basse-Normandie, la première
édition du festival « Les Femmes s’exposent ». Un événement dédié exclusivement aux femmes photographes professionnelles à l’heure où elles
manquent de visibilité.
« J’ai regardé ce que j’ai fait pendant 24 ans en tant que cheffe du service
photos de l’Obs et j’ai choisi très peu de femmes. C’était un peu par peur du
risque. J’aurais dû proposer et imposer des femmes photographes que je savais
talentueuses.» La création de ce festival de photographie, c’est un peu une
sorte de rédemption pour Béatrice Tupin, sa présidente. Un moyen de se faire
pardonner ? «Non, plutôt un moyen de se rattraper !» répond-elle.
« Black Hell » de Valerie Leonard. Scène de fin du monde dans la région minière de Jharia, au nord-est de l’Inde.
Ancienne infirmière devenue photographe, puis cheffe du service photo de
l’Obs, Béatrice Tupin a créé le tout premier festival de photographie
exclusivement féminin. Le But ? Valoriser et récompenser les travaux des femmes photographes. Car, en 2018, être femme et photographe relève du parcours du combattant. Leur travail est aujourd’hui très peu présent dans la presse, les festivals, les expositions et les prix photo.
Elles représentent 25% de la programmation des événements photographiques et moins d’un quart des photographes des grandes agences.
«C’est très difficile financièrement pour elle », explique Béatrice Tupin. « Elles ont besoin d’argent pour financer leur travail de terrain, mais comme elles n’ont pas assez de commandes des médias et des agences, ça devient très difficile de se faire un portfolio et donc de se faire connaître. C’est un cercle vicieux».
La photographie continue à être considérée comme un métier d’homme.
Pourtant, les femmes sont majoritairement présentes dans les écoles de
photographie, selon Béatrice Tupin. C’est ce qu’elle a observé lors de ses différentes interventions en école de photographie.
« Signatures / Les habitants : Résidence, Regards sur Catherine »
par Florence Levillain, Houlgate, 2018.
« Tu crois que tu en es capable ? »
Françoise Huguier est la marraine de cette première édition. Grande reporter photo, elle a remporté en 1993 le prestigieux prix du World Press Photo : « À chaque fois que je proposais un sujet à un média, on me disait : « Tu
crois que tu en es capable ? », « Tu n’y arriveras pas »…
« Il faut se battre, être opiniâtre, faire face aux réflexions, argumenter. C’est un combat continuel, encore aujourd’hui. Par contre, sur le terrain, c’est plus simple. On arrive souvent plus facilement à rentrer dans l’intimité des gens que l’on
photographie. »
Françoise Hugier, la marraine de l’événement par Cyril Zannettacci.
Ce festival espère déconstruire les clichés, et notamment le plus persistant :
«Quand il s’agit d’une femme, c’est plus un passe-temps qu’un métier». Une
phrase que Béatrice Tupin a souvent entendue dans sa carrière : «J’ai assisté
à beaucoup de prises de vue d’hommes politiques par des photographe femmes. Il
y a toujours des petites blagues. Si c’est une femme, elle est moins prise au
sérieux. Pire, parfois on lui montre même comment faire son travail !»
« L’Arctique sur des charbons ardents » d’Axelle de Russé / Hans Lucas. Pour Leif Magne Helgesen, le pasteur du Svalbard, science et religion doivent mener
un même combat contre le changement climatique qui menace l’arctique.
Le Festival aura donc lieu du 8 juin au 16 juillet à Houlgate, en Basse-
Normandie. Et la programmation est très éclectique : conflit, mode, culture,
sport, activisme, changement climatique… Des femmes de toute la France
s’exposeront dans différents lieux de la station balnéaire. Toutes sont
spécialistes dans leur domaine : «Pour le sport, c’était assez rapide, il n’y a que
deux femmes qui couvrent ce domaine !» raconte, en riant, la présidente.
Rafael Nadal aux Internationaux de France – Roland Garros 2016
par Corinne Dubreuil.
Quatre prix récompenseront le travail de femmes photographes dans des
domaines différents. Une nouvelle génération qui va côtoyer l’ancienne
puisqu’un hommage sera rendu à la photographe Lee Miller (1907-1977),
probablement la seule femme photoreporter à couvrir la Seconde Guerre
mondiale depuis la ligne de front. Loin d’être un passe-temps..
Lee Miller en 1944.
L’exposition se déroulera du 8 juin au 16 juillet à Houlgate en Basse Normandie.
Vous pouvez retrouver toute la programmation sur le site de l’événement en cliquant sur ce lien.
Texte : Doria Laib
Photo à la Une : « Mossoul jusqu’à la mort » de Laurence Geai.