Des flingues, des vaches, une trompette, de la drogue et une trahison : Makundo est le dernier court-métrage de Bouzid Yosri et Fabien-Mariano Ortiz, à voir en exclusivité sur Clique pendant deux semaines.
C’est l’histoire d’une maison close en pleine campagne, dirigée par un homme qui y prostitue ses filles. Exténuée, l’aînée décide de se détacher de cette emprise avec l’aide d’un client amoureux d’elle. Tout deux sont étendus sur un lit dans une chambre sombre, la lumière est tamisée, le papier peint est vert fleuri. La prostituée et le client, tout en se piquant une veine, se prennent pour Bonnie and Clyde et prévoient de braquer le maquereau de père. L’ambiance est installée, ça ne va pas être gai : « J’ai voulu écrire une histoire d’amour déçue qui ne marche pas, quand dans une relation chacun est sur une longueur d’onde différente. Elle, elle veut se barrer, c’est son premier but. On ne sait pas vraiment si elle se sert de lui ou si elle l’aime. Lui, son but, c’est elle. » explique Fabien, le réalisateur. En plus de s’intéresser aux relations amoureuses, Makundo interroge aussi les relations familiales. Selon Bouzid le producteur, le film raconte « les liens familiaux qui tournent mal, le besoin de se détacher des personnes qu’on aime et qui nous font du mal. Nos films c’est une grosse partie de notre histoire ».
Nourri de références telles que Jeremy Saulnier, auteur américain de films dramatiques, ou des films des 70’s qui prennent pour toile de fond la campagne américaine, Makundo est un drame sombre et esthétique à la fois. Pour l’image comme pour le scénario, tout est suggéré et gracieux – quand l’ensemble reste brut et radical. Il n’y a jamais d’happy end dans les films de Fabien et Bouzid. « L’expérience cathartique de l’art, je la ressens seulement dans le drame. Dans le fond je n’ai pas forcement envie de porter un message ou quoi que ce soit, je pense que j’ai surtout envie de me rapprocher au maximum d’une peinture. J’essaie de créer une poésie pour pouvoir provoquer une émotion forte chez celui qui regarde », explique Fabien. Ce choix se traduit aussi par la musique, très organique. La matière doit être ressentie. « Dans la chambre dans laquelle on a tourné, il faisait très froid et humide. Je voulais que l’on puisse éprouver cela par le biais de la vue mais aussi par l’ouïe. »
Bouzid et Fabien sont deux amis d’enfance qui ont grandi ensemble à Saint-Denis. Depuis leurs débuts dans le cinéma, ils ont produit ensemble quatre courts-métrages. Tandis que leurs trois premiers films sont tournés à New-York et à Saint-Denis, ils décident de changer leur fusil d’épaule pour Makundo. Le film se déroule dans une ferme de l’Oise, dans le Nord-Pas-de-Calais. Tout deux attirés par la beauté et l’ambiance des paysages ruraux, ils passent du béton aux moutons avec Djibril Pavadé, un autre de leurs amis d’enfance dans le rôle de Arejan, le client braqueur.
Le titre du film est un clin d’oeil à Gabriel Garcìa Màrquez, un écrivain colombien, qui dans son roman Cent ans de solitude raconte le village imaginaire de Macondo. Pièce maîtresse d’un courant artistique nommé « réalisme-magique », ce roman mêle le réalisme à l’irrationnel. C’est ce mouvement qui a inspiré Fabien durant la réalisation de Makundo. « Je cherchais un univers puissant dans mes références littéraires, le réalisme-magique en fait partie. Le fait de mélanger le réel à l’imaginaire m’intéresse beaucoup. » On retrouve cette pointe d’imaginaire et d’absurde à la fin du film, lorsqu’Arejan se confronte à son enfance qui prend une forme physique devant lui.
Bouzid et Fabien, qui sont dans la vie plus joyeux que leurs films, travaillent en ce moment sur différents projets. Un long métrage en ligne de mire et la participation de Makundo sur plusieurs festivals laisse promettre un bel avenir à ce duo passionné.