La reproduction sociale ! Ce mécanisme sociologique qui défend l’idée qu’un fils de cadre a plus de chances de devenir cadre lui-même et qu’un fils d’ouvrier a plus de chances de devenir ouvrier… Si cette théorie a connu de nombreux exemples pour l’illustrer au fil des années, il y a tout de même des exceptions. Ces dernières sont parfois encouragées par des initiatives citoyennes, et l’association Viens voir mon taf en fait parti.
Les inégalités sociales se dessinent dès le plus jeune âge, lors des premières années de notre scolarité. L’expérience de la recherche de stage de troisième en est peut-être la démonstration la plus flagrante. Dans les collèges REP et REP+ (réseau d’éducation prioritaire, 1 097 en France), la recherche d’un stage de troisième s’impose comme un parcours du combattant. Il y a trois ans, l’association Viensvoirmontaf a décidé de tirer la sonnette d’alarme.
Pour rappel, un établissement est classé REP selon plusieurs critères : le taux de catégories socio-professionnelles défavorisées, le taux d’élèves boursiers, le taux d’élèves résidant dans une zone urbaine sensible (ZUS) et le taux d’élèves ayant redoublé avant la sixième.
Viensvoirmontaf – Présentation
Viensvoirmontaf ? C’est une plateforme en ligne gratuite qui propose des offres de stages uniquement dédiées à ces collégiens en REP qui n’ont pas de réseau. Les entreprises postent leurs annonces sur le site et les élèves (qui doivent prouver qu’ils sont dans un collège REP ou REP+) peuvent s’inscrire en quelques clique et postuler.
Derrière cette initiative se cachent trois femmes. Gaëlle Frilet, professeure d’anglais en Seine-Saint-Denis, Mélanie Taravant, chroniqueuse sur France 5, et Virginie Salmen, journaliste à Europe 1. Elles sont animées par un but : donner l’opportunité à ces collégiens de faire le stage de leur rêve et non un stage par défaut. Lorsque les portes se ferment devant ces collégiens, elles ouvrent leur carnets d’adresses.
« On a tendance à penser que le stage de troisième est anecdotique voire inutile alors que c’est un moment clé. Ce stage peut influencer le choix d’orientation de ces élèves, donc leur carrière, et donc leur vie. » explique Mélanie Taravant, la présidente de l’association. « Deux élèves sur trois ont des parents inactifs et ouvriers, donc pas de réseau. Les enfants d’ouvriers ont trois fois moins de chances de faire des études supérieures, huit fois moins de chances de faire une grande école et dix fois moins de chances de décrocher un bac+5« .
Viensvoirmontaf, c’est d’abord un constat. Elles en sont convaincues, ces élèves ne sont pas égaux face à la recherche de stage. À travers cette première étape dans l’insertion professionnelle, ces jeunes sont vite rattrapés par leurs origines sociales. « Dès la troisième… » ajoute Mélanie Taravant, « …Ces élèves vont faire les frais de ce problème de piston. Vous imaginez, ils demandent de faire un stage de cinq jours, non rémunéré et on leur dit « il n’y a pas de place pour toi », c’est hyper violent« .
Deux élèves en stage à Europe 1 et à France 5 grâce à l’association Viensvoirmontaf – @Viensvoirmontaf
« Si je ne trouve pas de stage dans le sport, je ferai un stage là où quelqu’un veut bien de moi, dans mon quartier… Mais ce sera une sortie de secours… » Samy, 13 ans, inscrit sur la plateforme en ligne Viensvoirmontaf.
De ce fait, l’association veut éviter ce stage par défaut, cette fameuse « sortie de secours » qui n’en est finalement pas une. Aujourd’hui, Viensvoirmontaf met à disposition plus de 600 métiers à découvrir partout en France : bruiteur de cinéma, décorateur de théâtre, parfumeur, ingénieur en robotique, journaliste, artisan, avocat… Bref, élèves et partenaires professionnels sont bien décidés à créer des ponts entre les différents milieux sociaux… Et les deux y gagnent.
Il y a trois jours, Emmanuel Macron s’était inspiré de l’activisme des acteurs sociaux, des associations et des collectivités qui sont directement sur le terrain pour annoncer son plan banlieue. Plusieurs mesures ont été mises en place dont 30 000 offres de stages proposées aux élèves issus des milieux populaires.
30 000 offres c’est bien. Encore faut-il trouver les 30 000 entreprises concernées par la situation de ces jeunes.
Image à la Une : deux stagiaires de 3ème de Viensvoirmontaf / Justine Wittenberg.