Trente ans après sa sortie, La Haine de Kassovitz revient en comédie musicale. L'occasion d'étudier l'impact du film, notamment au sein du rap français.
Alors que Mathieu Kassovitz était sur le plateau de Clique pour parler de l’adaptation de La Haine en comédie musicale, retour sur l’impact de son film culte, et dont l’influence continue à se faire sentir au sein du rap français près de 30 ans après sa sortie.
On a tendance à l’oublier, mais le 26 mai 1995, quelques jours à peine avant sa sortie en salles, La Haine fait déjà scandale lors de la 48ème édition du festival de Cannes. Pour son propos, Mathieu Kassovitz est alors accusé d’avoir réalisé un plaidoyer anti-flics, mais aussi pour l’attitude de l’équipe du film, accompagnée pour la montée des marches d’une dizaine de rappeurs marseillais et parisiens, tous prêts à défendre la compilation pilotée d’une main de maître par Solo, La Haine, musiques inspirées du film. Parmi eux, les fines plumes de la scène hexagonale des années 1990 : La Cliqua, Expression Direkt, Assassin ou encore IAM et Ministère A.M.E.R.
« On s’est simplement dit qu’on allait créer notre époque, qu’on allait révolutionner le rap. »
(Dany Dan)
Qu’importe qu’ils refusent de s’endimancher (IAM) ou qu’ils tiennent à défiler sur la Croisette un maillot du PSG sur les épaules (Solo), la présence de tous ces rappeurs fait sens. Non pas que La Haine soit un film clairement hip-hop – aucune trace ici de ‘’Peace, Unity, Love & Having Fun’’, hormis une scène avec Cut Killer, une autre avec un breaker faisant ses gammes sur Zapp & Roger ou encore cette séquence avec « Mon esprit part en couilles » d’Expression Direkt à la radio.
Le propos de ce long-métrage trouve un écho retentissant dans le texte des rappeurs, qui voient là l’occasion de parler de faits de société et de marquer durablement les esprits. « On s’est simplement dit qu’on allait créer notre époque, qu’on allait révolutionner le rap, confiait Dany Dan, membre des Sages Poètes de la Rue, présent sur cette fameuse compilation avec « Bons baisers du poste ». Ça a marché, apparemment. »
Près de 30 ans plus tard, alors que La Haine est sur le point de muter en une comédie musicale, force est de constater que son impact est toujours aussi évident au sein de la scène musicale. De Rohff (« Fais danser la haine comme Vince ») à JeanJass (« Ma haine ne demande qu’à sortir, j’me fais des films comme Kassovitz »), les références au film sont nombreuses, se comptent par centaines (Ärsenik, Fabe, Ol Kainry, Mairo ou Nekfeu, qui dit avoir été « éduqué par Cassel dans La Haine »), et surgissent même parfois de l’autre côté de la Manche où des working class heroes du rock anglais (King Krule, Sleaford Mods) en parlent volontiers comme d’une influence.
Preuve, s’il en fallait encore une, que le second long-métrage de Kasso, entre sa percutante scène d’introduction (avec ‘’Burnin’ and Lootin’’ de Bob Marley), ses dialogues en forme de punchlines et la fascination qu’il continue d’exercer sur plusieurs générations d’artistes, est aussi, en creux, une œuvre profondément musicale.