Avec plusieurs millions de vues et près de 500 000 fans sur Facebook, El Hadj est devenu en quelques mois une révélation de l'humour Internet. Connu d'abord sur Snapchat, ce jeune homme de 26 ans se déploie désormais sur Facebook, Instagram et Youtube en affolant les compteurs de vues. Pour Clique, il raconte son parcours, son passé de timide et ses rêves de cinéma.
Qui es-tu ?
Je m’appelle El Hadj, j’ai 26 ans. Je suis réceptionniste en hôtellerie et comédien à côté. Je fais des vidéos sur le net depuis un peu plus de trois ans maintenant.
La vie quotidienne, source d’inspiration principale d’El Hadj. Cette vidéo, publiée en août dernier, a été vue près de 5 millions de fois sur Facebook.
Avant de faire des vidéos, à quoi ressemblait ta vie ?
J’ai étudié au Centre de Formation des Apprentis Stefenson, dans le 18ème à Paris. J’y ai obtenu mon Bac ARCU (Accueil, Relation Client et Usagers). Après le lycée j’ai entamé un BTS Marketing, mais je n’ai fait que la première année parce que je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout fait pour moi. J’ai donc travaillé en tant que réceptionniste de nuit dans un hôtel à Paris ainsi qu’en tant qu’agent d’accueil d’entreprise.
Pourquoi t’être dirigé vers l’hôtellerie ?
Je n’aime pas l’école, de base. Je devais aller en section générale, mais je n’y suis pas allé volontairement parce que je ne voulais pas me retrouver à faire 100 000 devoirs !
El Hajd n’aime pas l’école et il le fait comprendre.
Mon père voulait absolument que j’aille en Général faire une section scientifique comme lui, mais malgré ses arguments, je n’ai pas voulu. Ça l’a soûlé ! C’est comme ça que je me suis dirigé en filière professionnelle. Il fallait que je me débloque car j’étais super timide avant : c’est pour ça que j’ai choisi l’hôtellerie. Ça m’a vraiment permis de me libérer, parce que j’étais beaucoup trop réservé. Faire des stages en entreprise, être obligé de parler aux gens, ça m’a ouvert tout de suite.
Ton passé de timide est très surprenant aujourd’hui, as-tu mis longtemps à surmonter ça ?
On dirait pas ! Et pourtant si ! Je dirais que cela m’a pris deux ans. Je suis sûr à 100% que si j’étais resté dans un cursus normal et que l’on m’avait fait travailler dans une entreprise ensuite, ça aurait été horrible pour moi. Jamais de la vie je me serais filmé.
En hôtellerie, tu n’as pas le choix, tu es obligé de communiquer avec des inconnus. Tu ne peux pas être dans ton coin et faire semblant.
Au début j’esquivais les gens, je disais ‘Nan je connais pas, allez leur demander là-bas’, après mes responsables me convoquaient et me disaient : ‘Tu ne peux pas faire ça. Il faut aller vers les gens’. Et petit à petit j’ai réussi à m’imposer.
Était-ce important pour toi de valider ton bagage académique ?
Oui bien sûr. Quand j’ai commencé mes délires sur Instagram et Facebook, j’avais déjà obtenu ces diplômes. Les études ont longtemps été au premier plan pour moi.
« Le dérangement » est une des préoccupations centrales du vidéaste.
Quel a été le déclic pour poster ta première vidéo ?
Il n’y a pas eu exactement de déclic, à vrai dire. J’ai commencé avec des vidéos que je tournais avec trois potes de Louvres (Val-d’Oise), là où j’habitais avant. On a directement commencé par des formats YouTube. On avait pas beaucoup de vues à l’époque, c’était juste pour le délire de voir ce que ça donnait. Après ça, mes potes se sont démotivés et je me suis lancé tout seul, et j’ai commencé en premier par Snapchat.
Petit à petit des gens m’ont incité à mettre des vidéos sur Facebook. Au début je n’étais pas trop chaud, car sur les réseaux sociaux les gens ont parfois la critique facile.
Quelle sensation recherchais-tu en postant sur Internet ?
À l’origine, mon but premier était de faire rire les gens autour de moi.
L’importance d’avoir le permis de conduire selon El Hadj.
Mon ambition c’était aussi montrer aux gens que l’on peut rire des petits riens du quotidien, et c’est devenu ma spécialité. C’est comme ça que ça a commencé.
Tu produis énormément de vidéos sur Snapchat et Instagram. Quel est le principal challenge ?
En ce qui concerne Snapchat c’est forcément le temps. En dix secondes, il faut que le thème soit accrocheur, car très vite l’utilisateur peut passer à autre chose en changeant de story. Il faut vraiment trouver une histoire suffisamment importante pour que l’utilisateur regarde toute la story. De ce fait, je me limitais à 7 snaps : quand il y en a trop, je me dis que je suis là pour faire rire, pas pour réaliser un film.
Comment est-ce que tu trouves l’inspiration ?
Je me réfère à tout ce que je vis.
Je suis quelqu’un d’observateur, je regarde toujours tout ce qui se passe autour de moi et je me fais de petites histoires dans ma tête.
Le jeune homme ne se montre pas tendre avec les smartphones.
Entre l’idée et la publication, combien de temps peut-il se passer ?
Ça se compte en minutes. Si par exemple là je vois une scène, si je suis encore en 4G et que je n’ai pas dépassé les 10 Go d’abonnement, je fais tout de suite la vidéo !
Quand tu fais ta vidéo instantanément, ce qui est bien c’est que tu es dans le ‘move’ de la vidéo. Quand tu notes tes idées et que tu la prépares pour une autre fois, c’est pas le même rendu. En tous cas, ce n’est pas comme ça que je fonctionne. Je suis dans la spontanéité.
Les disputes entre frères et sœurs selon El Hadj.
Le thème de la famille a l’air de beaucoup t’inspirer…
La vidéo des deux frères qui se disputent, c’est tout simplement moi et ma sœur dans la vie de tous les jours. On est trois chez moi et avec ma sœur, nous ne faisions que nous disputer tout le temps. Après, ce que j’ai fait dans la vidéo, ce n’est qu’une partie de ce qui est possible en vrai.
Ça peut partir très vite : ‘Ouais c’est toi qui a pris mon t-shirt
– Nan c’est pas moi !’
Après ça part en freestyle. Et quand les parents arrivent, là bizarrement, on est les meilleurs amis du monde ! C’est comme ça tout le temps.
Et le personnage de l’Africain avec le fameux gimmick : « So commant », pourquoi est-il devenu ta marque de fabrique ?
Je sais que je suis français, et je sais aussi que je suis d’origine sénégalaise. Je me suis toujours demandé si, pour faire rire, je devais ‘faire le bourgeois’ en forçant l’accentuation, ou bien prendre l’intonation de mes origines. Je sais faire les deux. En ayant fait les tests, je trouve que certaines vidéos passent vraiment mieux avec l’accent. Beaucoup dans les commentaires me reprochent de faire l’accent africain pour attirer les vues. Je ne pars pas de ce principe-là.
En utilisant l’accent africain, El Hadj ne fait pas de complexes.
Je suis noir, je ne l’ai pas inventé, je suis noir les gars ! Et donc de ce fait je n’ai pas honte de prendre un accent africain.
Les gens te reprochaient d’être dans le cliché ?
Oui, mais là où j’ai fait la différence, c’est que je parle, certes avec mon accent, mais je ne dénigre pas mes frères et sœurs. Je parle de sujets de tous les jours, ce qui n’a strictement rien à voir.
Avec plus de 500 000 fans sur Facebook, et des vidéos qui atteignent des millions de vues, comment est-ce qu’on appréhende le succès à 26 ans ?
C’est un truc de fou ! J’ai du mal encore à réaliser, à me dire qu’il y a 500 000 personnes qui me suivent sur Facebook. Je m’en rends vraiment pas compte. Je pense que je suis encore dans le même état d’esprit que lorsque je commençais à faire des vidéos, parce que oui il y a des abonnés, ok. Mais ce n’est pas ça qui va faire que je suis quelqu’un d’important auprès de ces gens-là.
Comment se passent les rencontres avec ton public ?
C’est souvent très marrant. J’arrive devant les gens et ils ne savent pas quoi faire avec leur téléphone ! J’ai envie de leur dire ‘Mais calmez-vous ! Je suis comme tout le monde !’. Lorsque que j’ai accompagné l’équipe du film La Pièce (produit par la société de production Smile Concept, en collaboration avec le label Wati B. Ce label s’occupe désormais de jeunes humoristes tels qu’El Hadj) dans leur tournée en France, et qu’on sortait du bus, voir tous les petits qui couraient autour de moi, ça m’a fait vraiment quelque chose.
Bande-annonce du film La Pièce.
Comment ta famille vit ton succès ?
Mon petit frère est au lycée donc clairement c’est la folie pour lui ! Tout le monde sait que c’est mon frère, mais j’essaie de ne pas trop l’exposer même si je l’ai mis dans une ou deux vidéos. De ce que j’entends, j’ai l’impression qu’ils sont plus admiratifs qu’autre chose. Du moment qu’il n’a pas trop de problèmes avec ça, moi ça me va.
Ma mère s’est retrouvée face à des collègues de travail qui regardaient mes vidéos. C’est quand même fou de voir qu’il y a des parents qui sortent ce que je dis. C’est fou.
Ce n’était peut être pas le public que tu visais à l’origine…
Je visais les jeunes. Je me rendais pas compte que ça touchait aussi d’autres générations, notamment les parents. Et résultat : je me suis retrouvé à prendre des photos avec des pères et des mères de famille qui m’ont confié qu’ils regardaient les vidéos avec leurs enfants !
La relation parents-enfants ne cesse d’inspirer le jeune homme.
Les retours sur tes vidéos ont l’air de beaucoup t’intéresser…
Quand on poste une vidéo, en règle générale, c’est parce que l’on attend qu’il y ait un certain nombre de personnes qui la regardent. Je sais que ce que je fais ne comporte rien de négatif, qu’au contraire c’est du positif pour les gens.
Et j’essaie de toucher le maximum de personnes ; ce que je veux montrer c’est, que tu sois noir, blanc ou peu importe, on peut fédérer autour du rire. Je veux montrer que l’on est tous pareils.
Est-ce que les humoristes issus d’Internet sont des sources d’inspiration pour toi ?
Il y a un YouTubeur que j’aime bien parce que j’ai suivi ce qu’il faisait depuis le début : Mister V. C’est trop !
Mister V – « LAPT ».
Le gars tient son délire de A à Z. C’est un exemple, dans le sens où si tu as quelque chose à faire, garde ta personnalité et les choses viendront à toi. C’est ce qu’il a fait.
Il y a de plus en plus de gens qui se lancent dans l’humour sur Internet, tu te sens en compétition ?
Pas vraiment. On veut tous faire la même chose. Au final on veut tous faire rire, mais ça donne l’impression que c’est de la compétition.
Vous ne faîtes pas forcément tous pareil, par exemple il y a beaucoup de différences entre toi et Wil Aime, non ?
C’est vrai, ce qui est bien chez lui, c’est que déjà la vidéo est très travaillée. Il arrive à être captivant de A à Z. Tu sais que quand tu vas regarder une de ses vidéos, tu vas péter les plombs, parce que tu vas voir à quel point c’est bien fait. Ce sont des courts-métrages super bien travaillés pour le format Facebook.
Wil Aime fait partie, au même titre qu’El Hadj, de cette nouvelle génération de vidéastes sur Internet. Sa spécialité : les scénarios et une mise en scène très travaillée, jusque dans les moindres détails.
Après tout ce succès viral, est-ce qu’on a encore des rêves aujourd’hui ?
Mais que sont mes rêves (en chantant) ? Evidemment il en faut ! Parce que si tu n’as pas de rêves, tu nages dans le vide et ça ne sert à rien. Bien sûr que j’ai un rêve aujourd’hui : ça serait de faire du cinéma.
Parce que ceux qui sont en place aujourd’hui, faut qu’ils cèdent la place, c’est bon. Comme lorsque tu joues au foot sur le terrain, quand t’es fatigué tu sors, et tu nous laisses rentrer nous on est frais (rires).
Qu’est-ce que tu préfèrerais jouer ?
Ce qui me plairait le plus, ce serait l’aspect comique. En ce moment on en a vraiment besoin. Les gens veulent rigoler. Aux États-Unis, quand je vois des Kevin Hart ou des Dwayne Johnson qui cartonnent, je me demande ce qui nous manque ici.
Dwayne Johnson et Kevin Hart, dans le film Agents Presque Secrets.
On a tout ici, mais les gens sont frileux, ils ne veulent pas mettre les moyens pour qu’on fasse des films comiques. Un jour ça changera, j’espère.
Pour suivre El Hadj sur Snapchat : Elhadj_95