Un blockbuster américain bientôt sur les écrans et un tournage pour "Braqueurs", le prochain film de Julien Leclerq... En ce moment, pour Kahina Carina, la cadence s'accélère. Rencontre avec une actrice à suivre.
Qui es-tu ?
Je m’appelle Kahina, je suis comédienne. J’ai 28 ans.
Tu joues dans Outcast, le prochain film de Nick Powell. Qui incarnes-tu ?
Une princesse orientale. Le film se passe en Chine, au Moyen-Âge. Mon mari et moi, on se fait envahir par des guerriers, qui sont joués par Nicolas Cage et Hayden Christensen. Ils se battent contre notre royaume et veulent décimer notre famille. Mais je ne vais pas en dire plus, ça reviendrait à raconter l’histoire (rires).
Comment se retrouve-t-on dans un blockbuster américain ?
Apparemment, ils ne trouvaient personne qui leur convenait pour ce rôle. Pour des raisons de coproduction, ils cherchaient une Française, un peu typée. Mon agent leur a montré une série que j’avais faite des années plus tôt, vers 22 ans, sur France 2. À l’époque, j’ai dû me couper les cheveux très courts. Nick Powell a aimé que j’ose le changement, et que je puisse avoir l’air très différente physiquement… Enfin, c’est ce qu’il m’a dit sur Skype, pendant les essais !
Des essais sur Skype ?
Ça se fait, oui. C’était une rencontre comme une autre, finalement. Je voyais qu’il observait ma façon de parler, de poser ma voix. Il m’a posé des questions sur le scénario, à l’instinct. On s’est aussi donné la réplique sur une scène. On a fini par se rencontrer en Chine, quand je suis venue sur le tournage. Nick Powell est impressionnant par son travail, mais dans la vie c’est quelqu’un d’extrêmement cool, de très zen. Il est Canadien mais il fait très « Californien ».
Revenons-en à tes débuts. Tu as toujours voulu être comédienne ?
J’ai arrêté l’école tôt, à 17 ans, pour ne me consacrer qu’à ça. Je suis entrée au cours Florent. À vrai dire, je suis entrée à Florent plus tôt, à 14 ans, en cours préparatoire, une fois par semaine.
Pourquoi Florent ?
À l’époque, c’était très sélectif. C’était aussi le cours le plus « connu » et comme mon frère est passé par là, c’était aussi plus familier. Mais j’ai arrêté : je me suis faite repérer par un agent, j’ai passé des essais. Ça m’a menée à jouer de petits rôles, sur M6. Ensuite j’ai fait un téléfilm, un premier rôle sur France 2. J’ai fait beaucoup de télévision.
Et en ce moment, tu reprends les cours de théâtre.
Eh oui, après dix ans. Je suis en première année à l’Actors Factory, un studio d’acteurs extraordinaire. La méthode me convient vraiment, le respect mutuel est monstrueux. La seule prof c’est la coach,Tiffany. Il n’y a qu’une seule classe par année, et on est 20, donc pour le coup c’est extrêmement sélectif. C’est familial, on évolue ensemble. On est très bienveillants, et dans un milieu pareil tu as besoin de ça. Après, c’est tellement personnel… Chaque acteur doit trouver sa méthode.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de reprendre ?
Je suis extrêmement timide, ça me mettait un frein. Je me suis dit que je n’avais jamais appris à gérer mon stress alors qu’il y a des méthodes pour transformer mes peurs en quelque chose de positif. J’avais deux choix : ou je me mettais à faire des tournées au théâtre, pour me confronter à mon stress, ou je retournais à l’école. Lorsque j’ai rencontré la directrice de mon école, je n’ai pas hésité.
Tu as quand même fait du théâtre à partir de 14 ans. Ce n’est pas légèrement paradoxal pour quelqu’un d’introverti de se mettre à faire du théâtre à cet âge-là ?
À l’époque je n’avais pas conscience de ce qu’était la timidité, je la subissais. J’ai compris très tard que j’étais introvertie. Ce n’est pas si paradoxal que ça non, parce qu’on est nombreux à être très timides. J’avais une certaine fascination pour les acteurs. Ils arrivaient à exprimer tellement de choses, être tellement ouverts et généreux…
Cette façon d’aborder les choses à travers un personnage était pour moi la seule manière de pouvoir m’exprimer sans être enfermée dans mon trac, dans mes peurs ou dans ma timidité.
Là par exemple, je joue dans « Braqueurs ». Mon personnage est une fille qui n’a peur de rien du tout, qui est très forte. Ça me donne envie d’être comme ça dans la vie !
Qu’est-ce qui a changé dans ton jeu, entre le cinéma et la télévision ?
À la télévision, je cherchais peut-être plus de points communs entre mes personnages et moi. Au cinéma, c’est différent. Dans Outcast, mon personnage est une princesse du Moyen-Âge, mère de deux enfants, elle vit en pleine guerre. Il lui arrive des choses très graves, qui n’ont aucun rapport avec ce que je peux vivre moi-même au quotidien. L’implication a dû être plus grande.
Naturellement, je vais vers quelque chose de plus profond, de plus dissocié de moi-même.
Tu es passée du téléfilm au blockbuster, ça fait quoi ce grand écart ?
Je ne regrette aucun de mes choix, même si parfois malheureusement la promesse scénaristique ne tient pas la route une fois en tournage. Mais tout ce que j’ai pu faire m’a servi. J’ai tourné dans Section de Recherches au mois de juin. Ça s’est bien passé, c’était une bonne expérience, mais je me suis dit que ça ne touchait pas en moi ce que j’attendais vraiment, au fond. J’ai pensé à me remettre plus sérieusement dans la photo (Kahina fait de la photographie de rue, c’est aussi elle qui a pris la photo du prochain album de Kaaris, NDLR).
Deux mois plus tard, Gibraltar est sorti. J’y ai un petit rôle, je joue la femme de Tahar Rahim. Quand j’ai vu toute l’effervescence autour du film, je me suis dit que je ne pouvais pas arrêter. Plus j’avance, plus je m’en rends compte. Ça peut faire très cliché, mais entre ce que j’apprends sur moi en tournant un film et les rencontres que je fais sur un plateau, rien ne peut me rendre aussi proche de ce que je suis.
Qu’est-ce que tu fais en ce moment ?
Là je tourne Braqueurs, un film sur le grand banditisme avec Sami Bouajila, Guillaume Bouix… C’est le même réalisateur que Gibraltar, Julien Leclercq, du coup ça s’est fait assez naturellement.
Et avec qui rêves-tu de travailler ? Imagine que demain ton réalisateur préféré t’appelle….
« Ok, Tim Burton, pas de souci ! » (rires). Tim Burton, c’est un réalisateur qui te fait voyager. Lorsque tu vois un de ses films, il t’habite pendant très longtemps, et il te touche tellement que les petites choses qui polluent ta vie s’évaporent. Abdellatif Kechiche, Audiard… On a le droit de rêver (rires). Une rencontre avec un réal’, c’est une rencontre avec un univers. Mais honnêtement, je ne me demande jamais ce genre de choses. Je me suis toujours sentie comédienne, mais ça fait peu de temps que je me sens légitime, que j’assume vraiment, que j’ose le dire. C’est parce que je sens que je commence vraiment à trouver ma place, et je travaille au quotidien pour ça.
Photographies © Gabrielle Malewski