Fantôme groovy et classique, insaisissable invention musicale, l'Impératrice parle peu, se dit "amante d'un disco sans âge". Derrière son intrigant visage, deux EP... Et cinq musiciens discrets, qui préfèrent la montrer plutôt que se faire voir. Clique les a rencontrés au complet, à Paris.
Qui est l’Impératrice ?
Charles : Nous sommes un groupe de cinq musiciens (Hagni, Charles, Martin, Tom et David, NDLR) qui faisons de la musique instrumentale principalement. Parfois, on collabore avec des chanteurs. On n’est pas tous issus de la musique, certains viennent du cinéma, d’autres viennent du classique. À la base, je ne me sentais pas légitime – je viens du journalisme, donc je trouvais ça cool de me cacher derrière une image, une entité. J’avais l’impression d’exprimer des sentiments féminins que je ne pouvais exprimer qu’en faisant de la musique, pas autrement.
C’est quoi, la féminité ?
Charles : C’est un sentiment qu’on ne maîtrise pas. La musique qui me venait avait des couleurs, en terme de sentiments, que je ne connaissais pas – assez violents, assez puissants, des trucs impérieux, tous simplement. Il y a aussi la sensualité, le groove. Ce mélange de choses donne ça, l’Impératrice.
Hagni : C’est surtout qu’on a une certaine idée de l’élégance musicale, qu’on espère atteindre. On a des influences très variées, parfois kitsch, on aime les mélanger pour en faire quelque chose d’élégant.
D’où vient cette recherche de l’élégance ?
Charles : On n’est pas particulièrement tournés vers ce qu’il y a de nouveau. On essaye de rendre hommage à ce qui nous a ouvert à la musique, de manière générale. Des B.O, souvent.
Michel Legrand, Francis Lai, Ennio Morricone, François de Roubaix sont pour nous des maîtres à penser. Ils ont été les premiers à poser une batterie et des lignes de basses sur des harmonies classiques.
Pour moi, toutes ces références-là sont élégantes. Ce sont des gens qu’on respecte énormément. Après, côté plus funk, Prince, pour Martin je pense.
Martin : Carrément, carrément !
Charles : Parfois aussi des trucs plus pop, comme Phoenix pour Tom (qui acquiesce, NDLR), ça se ressent dans son jeu de batterie.
Cela signifie-t-il que vous aussi, vous concevez votre musique comme une bande originale ?
De plus en plus. On se détourne un peu de ce qu’on faisait au début, à savoir un groove un tout petit peu basique, assez percutant, sur des mélodies de quatre accords, qui tournent un peu en boucle.
On est toujours dans ce truc un peu disco, poum-tchak, mais on essaye de raconter des histoires différentes, d’explorer des horizons un peu plus sombres, plus ténébreux par moments
On a des morceaux qui sont peut-être moins catchy, qui s’apprécient, je pense, après plusieurs écoutes – et qui sont évidemment moins grand public.
À propos de grand public, vos références sont relativement pointues pour l’auditeur lambda. C’est voulu ?
Charles : On est exigeants oui. Moi à la base je suis quand même un gros digger, je suis passionné de musique j’ai toujours été chercher des vinyles dans les bacs les plus poussiéreux des disquaires.
Hagni : Moi pas du tout.
Charles : On est exigeants en terme de références comme on l’est en terme de jeu. Hagni et David sont deux classiqueux, ça peut avoir l’air élitiste mais on est sincères, et on veut reste hyper ouverts dans la manière dont on transmet ça aux gens.
Hagni : Ce qui me gênait dans le classique c’est que c’est élitiste pour les musiciens, mais c’est surtout une musique qui s’adresse à une élite. C’est justement l’approche plus « grand public » qui nous intéresse dans l’Impératrice. Ce qu’on veut faire, c’est prendre tout cet héritage et en faire quelque chose qui puisse toucher les gens.
Charles : Je pense que les gens ressentent ça pendant les concerts. On n’est pas du tout derrière eux en train de leur dire « putain mais bande de connards vous comprenez rien à ce qu’on fait ! ». C’est comme le sampling dans le hip hop en fait. Les mecs allaient choper des trucs inconnus au bataillon, mais qui étaient leurs références, pour les foutre dans leur prod.
Hagni : Oui, c’est ça.
That’s My People de NTM, au départ, ça reste un sample d’un morceau de Chopin.
Le dernier EP de l’Impératrice, Sonate Pacifique, est sorti fin septembre.