Malgré la pluie et l'annulation de leur session live sur FIP pour cause de grève, les trois membres du groupe anglais Portico ne se laissent pas abattre et gardent la banane. Interview avec Milo Fitzpatrick et Duncan Bellamy, à la contrebasse et à la batterie.
Qui êtes-vous ?
Duncan Bellamy : Je suis à la batterie, mais laissez-moi prendre une petite douche.
Milo Fitzpatrick : J’ai 30 ans et je suis le contrebassiste du groupe. Je viens de Londres.
La légende raconte que vous devez votre nom à un portique sous lequel vous avez joué en Italie pour éviter la pluie. Pourquoi « portico » ?
MF : C’est plutôt joli, ça sonne bien. Choisir le nom d’un groupe se fait souvent au feeling. Mais on se fiche un peu de ce que ça veut dire, on s’est juste dit que ça faisait bien de se présenter et de dire « ouais, on joue à Portico ».
Et avant ça, comment vous vous appeliez ?
M.F : Le tout premier nom c’était le « London Hang Quartet », en hommage au hang, cet instrument très particulier qu’on utilisait à l’époque.
Vous l’utilisez encore ?
M.F : On l’a encore, mais on ne l’utilise plus. Après trois albums et tournées avec lui en dix ans, on l’a laissé se reposer un peu pour ce nouvel album. On est toujours aussi attachés au son du hang, mais pour réinventer notre style, il fallait changer.
Le Portico Quartet, à l’époque du hang et du quatuor. (Crédits : Portico)
Comment avez-vous découvert la musique ?
M.F : J’ai commencé à faire du violoncelle quand j’avais 9 ans, à un âge où je faisais un peu tout, du foot, de la musique. J’ai grandi dans une maison très musicale, mon frère faisait aussi de la musique, plutôt rock de son côté, et on faisait des impros ensemble, j’ai commencé à faire de la basse à ce moment là. C’était un super moyen de laisser s’exprimer mon inspiration, de rencontrer de nouvelles personnes.
DB (de retour de la douche) : quand j’avais trois ou quatre ans, mes parents m’ont offert une batterie, je ne sais pas trop pour quelle raison. J’étais assez déchaîné à cette époque, j’ai assez vite cassé la batterie, puis celle qu’on m’avait offerte en remplacement. Puis vers 10 ans, j’ai commencé à en jouer plus calmement.
Vous êtes passés d’un quatuor, le Portico Quartet au trio de Portico, tout court. Ca change quoi pour vous ?
MF : Le départ de Keir Vine (joueur de hang et percussionniste ndlr) nous a poussé à changer notre style, à nous réadapter pour faire quelque chose de totalement différent. On s’est demandé s’il fallait arrêter ou continuer, on a décidé de se renouveler. Mais on reste en très bons termes avec Keir, on doit se voir un de ces jours pour dîner.
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
DB : C’était en 2005, on avait tous une vingtaine d’années. On habitait tout juste à Londres à cette époque, Jack et Milo avaient grandi ensemble à Southampton. Jack et Nick étudiaient tous les deux à l’université de Londres, donc petit à petit on a formé le groupe.
Comment définissez-vous votre style ? Du jazz ?
DB : Non, pas vraiment. Ça y ressemblait du temps de Portico Quartet, c’est vrai. Mais dans notre dernier album, on prend vraiment un tout nouveau style, ce n’est peut-être pas évident de mettre des mots dessus.
Vous pensez correspondre à un style anglais ou britannique ?
DB: On est quand même un groupe anglais… Mais c’est vrai qu’on a aussi été stimulés par des gens d’un peu tous les horizons. Il y a William Basinski, un grand musicien américain qui nous intéresse beaucoup.
MF : Il y a notamment Patricio Guzman, réalisateur chilien, dont la musique des films nous inspire. En France, on aime bien ce que fait Sébastien Tellier !
Qui vous a le plus influencés dans votre style ?
DB : James Blake, principalement.
MF : Steve Reich, je dirais.
J’ai cru lire sur internet que vous aviez commencé votre carrière en faisant la manche. C’est vrai cette histoire ?
(Ils éclatent de rire)
DB : La vie est dure, hein !
MF : Est-ce que vous avez un mot français pour Busking ? Ça veut plutôt dire jouer dans la rue ou même dans des bars, pour le plaisir. Et si les gens aiment, ils nous donnent un peu d’argent, mais on était étudiants à l’époque, on s’éclatait bien, on ne faisait pas la manche.
Vous avez un message à transmettre à travers votre nouvel album ?
DB : La question n’est pas évidente. On essaie d’articuler des sentiments de perte et de changement en musique, mais avec toute une trame de fond sur l’espoir.
Comment vous y prenez-vous pour créer des morceaux à 3 ou 4 ?
MF : Ça nous prend beaucoup de temps. On discute longtemps, d’abord. On commence toujours par quelques notes sur lesquelles on est d’accord, puis ensuite on expérimente énormément.
Vous avez joué, du temps de Portico Quartet, une musique qui s’appelle Pompidou. Vous admirez notre ancien président ?
MF : Euh, non pas vraiment. On jouait dans la rue à l’époque, assez souvent à Paris, et on a trouvé le nom joli, encore une fois. On aime beaucoup Paris, d’ailleurs, on a rencontré plein de gens extraordinaires et un peu bizarres.
Comment décrivez-vous votre public ?
DB : Au début, notre public avait à peu près notre âge, mais maintenant qu’on vieillit, il reste plutôt jeune, autour de la vingtaine. On échange pas mal avec nos fans sur les réseaux sociaux.
Vous faites de nombreux featurings dans votre dernier album, il y a une raison particulière ?
MF : Jusque-là on avait peu travaillé avec des chanteurs, donc ça rentrait dans l’optique de nous renouveler. C’est une nouvelle étape.
Quels sont vos projets pour le futur ?
DB : continuer à inventer de nouveaux styles, et puis dans un futur proche, nous concentrer sur la tournée.
Le dernier album de Portico, Living Fields, est sorti le 30 mars. Le groupe sera en concert au Café de la Danse, à Paris le 18 mai prochain.