Léo et Tarik, la vingtaine, forment le groupe Hermes Baby. Le 25 mai dernier ils sortaient le clip de leur titre "J'attends la chance" et nous transportaient en balade autour Noisy-le-Sec, en région parisienne, dévoilant un univers tout en poésie. Clique est allé à leur rencontre.
Qui êtes-vous ?
On s’appelle Léo et Tarik, on a 19 et 21 ans. On vient de Noisy-le-Sec et on fait de la pop « lo-fi », c’est-à-dire de la musique sans beaucoup de moyens.
Comment se sont passées votre rencontre et la naissance de votre groupe « Hermes Baby » ?
Tarik : Au départ, c’est via le skate que nous nous sommes rencontrés. Nous en faisions ensemble. Je faisais de la musique depuis longtemps avec un groupe de rock. Nous avions besoin d’un bassiste alors on a demandé à Léo de nous rejoindre, alors qu’il était guitariste et pas bassiste. C’est comme ça que tout a commencé.
Léo : Nous avions les mêmes références musicales. Au départ, nous pensions qu’il fallait un vrai groupe composé de plusieurs musiciens pour faire de la musique, et on a découvert par la suite qu’on pouvait tout faire à deux, en apprenant.
D’où vient ce nom d’ailleurs ?
Léo & Tarik : Pour être honnêtes, c’est un peu par hasard qu’on a choisi ce nom. Nous avons trouvé une machine à écrire du nom d’Hermes Baby, un modèle des années 50, dans le grenier d’un ami. On a bien aimé, c’était drôle, et c’est aussi un outil qui était utilisé par la « beat generation » (un mouvement artistique américain des années 50 qui réunissait plusieurs écrivains donc Jack Kerouac, ou Allen Ginsberg, NDLR) – qui fait partie de nos inspirations.
Comment composez-vous ?
Tarik : On enregistre dans la cave de Léo avec un ordinateur, une carte son et plusieurs petits synthés. Parfois, on passe nos journées à ça, on ne sort plus (même si on continue nos études à côté). Léo fait l’instrumentation de base et la mélodie et il pose une voix témoin avec des paroles de rap qu’il trouve.
Léo : Tarik écrit les paroles, très souvent pendant la nuit. L’instrumentation finale, on la fait ensemble. Nos textes sont une espèce de synthèse de nos vies.
Envolée motorisée autour de Noisy avec le clip de « J’attends la chance ».
Dans votre clip dernier clip « J’attends la chance » vous mettez très en avant la ville dont vous êtes originaires, Noisy-le-Sec. Quel message avez-vous voulu faire passer ?
Tarik & Léo : Ce clip c’est nous. On accorde énormément d’importance à notre banlieue, parce qu’elle a été une richesse, elle nous a ouvert à beaucoup de choses. Venir d’un endroit comme Noisy c’est une force. C’est là-bas que le futur va se poser, en terme de métropolisation.
La banlieue est l’endroit de toutes les mixités sociales, donc c’est là où tout peut se passer. C’est comme un terreau. En art, chaque création est ancrée territorialement.
Nous avons fait le choix de le revendiquer parce que c’est ce que nous sommes. On a plein de potes qui sont parisiens dans l’âme, mais notre vision de la chose est très différente de la leur. On vit comme en autarcie, mais finalement ça nous rend plus créatifs. Ce clip c’est notre message, notre banlieue, notre territoire.
Le mot « territoire » que vous employez est important pour vous ?
Tarik : Ce sont mes études de géographie de l’aménagement qui me font utiliser ce mot.
Léo : C’est un mot que je n’utiliserai jamais, mais finalement on pense à la même chose. Nous sommes ancrés là où on vit. Le contexte d’écriture dans la musique est très important. L’endroit où tu habites est quelque chose qui transparaît dans ce que tu fais.
Vous semblez bien plus affectés par ce dernier morceau sur Noisy-le-sec que par vos deux précédents, qui avaient d’ailleurs un univers complétement différent.
Tarik & Léo : Ce morceau, on y pense depuis plusieurs années. « J’attends la chance » est un aboutissement ou une première étape. Ca ne veut pas dire qu’on ne va faire que ça, mais en tous cas, c’est une facette importante de ce que l’on est. En plus c’est assez nouveau pour nous, on était très timides par rapport aux voix, on faisait chanter les autres mais pas nous. Là, on entend la voix de Léo.
Comment tournez-vous vos clips ?
Léo : On les tourne tous les deux et à l’iPhone. Pour « J’attends la chance », nous avons appelé nos potes et nous avons filmé d’une manière très spontanée. On voulait être plus authentiques que dans nos clips précédents.
Tarik : Ce clip est une une auto-fiction. Par exemple, les motos dans le clip, ce sont celles de nos amis. Elles font aussi partie de chez nous. La moto c’est notre moyen d’accès à la liberté : tu n’es pas obligé d’attendre 45 minutes ton bus ou de passer le permis qui coûte cher pour te déplacer. Ça nous a mis d’autant plus la pression quand nous avons montré le clip à nos amis, parce que tout ça c’est réel, il s’agit de notre vie.
D’ailleurs, sur votre page Facebook, on peut lire que les membres de Hermes Baby sont « Léo & Tarik with friends ». Qui sont ces amis?
Tarik & Léo : Nous avons toujours travaillé en clique. Depuis nos tous débuts, toutes nos productions, que ce soit de la musique ou de la vidéo, sont participatives. On fait appel au savoir de nos amis.
On sent un sens très fort de la photo et de l’image dans tout ce que vous produisez. Notamment dans « J’attends la chance ».
Tarik : C’est parce qu’on a eu le temps de le rêver ce clip. C’est quelque chose qu’on avait en tête depuis tellement longtemps, qu’on a aussi eu le temps de prendre notre temps. Personnellement j’avais en tête une esthétique très hip-hop des années 90. Ou encore la première scène du film Manhattan de Woody Allen.
Quelles sont vos références et inspirations musicales ?
Léo : La grosse référence c’est Phoenix ou les Arctic Monkeys. En terme d’attitude, La femme nous influence aussi dans leur côté un peu décalé. Le rap français nous inspire pour les textes. Notamment des artistes comme PNL ou Booba. Dans l’album Temps mort, quand Booba dit : « Ma jeunesse a la couleur des trains, RER C. Pendant l’trajet j’rêvais de percer. » Ça c’est toute ma vie.
Tarik : Finalement, nos références sont multiples. Ce qui nous inspire c’est ce qui nous touche. Dernièrement c’est surtout PNL qui nous touche, parce qu’ils réussissent à décrire la galère. C’est cette approche pas du tout gangsta du rap qui nous intéresse.
Vous vous reconnaissez là-dedans ?
Tarik : Oui. Nous ne sommes pas des mecs « in ». Nous sommes des mecs en marge. On ne vient pas de Paris, on ne sort pas tout le temps en soirée. On vient de banlieue, on n’a pas envie de galérer en Noctilien ou de payer un Heetch pour rentrer.
On est un peu assignés à résidence, mais ça nous va. Il se passe plein de choses dans notre banlieue aussi.
Quelle va être la suite pour vous ?
Léo & Tarik : Nous allons finaliser un EP de cinq titres qui va s’appeler Autoroute du soleil. C’est une autoproduction qui va sortir à la rentrée prochaine. On écrit aussi un clip qui sera tourné en août. À terme nous aimerions pouvoir vivre de notre musique mais nous sommes conscients de la difficulté de la chose. Pour le moment on continue nos études, elles nous ouvrent sur plein de choses et ne sont pas une corvée. Nous aimerions aussi créer des évènements comme des festivals à Noisy. Mais ça, ce sera pour plus tard.