Si tous les regards se sont braqués sur ce que Jay-Z avait à dire sur sa relation avec Beyoncé, Solange, ou encore Kanye West, le New-Yorkais s’est aussi laissé aller à une auto-critique rare, loin de sa figure emblématique de businessman héritier du rêve américain.
Plus d’une heure de discussion pour l’une des rares interviews de Jay-Z. Malgré l’exclusivité Tidal, de nombreux extraits sont disponibles sur Youtube.
Le 18 août dernier, Jay-Z a accordé une interview exclusive aux journalistes américains Elliott Wilson et Brian « b.dot » Miller venus le voir pendant un séjour à Los Angeles. Diffusée sur Tidal en collaboration avec le média Rap Radar (fondé par Elliott Wilson), cet entretien prend la forme d’une conversation décousue entre ces trois hommes qui se laissent le temps (près d’une heure et dix minutes) d’évoquer la carrière de Jay-Z à travers le prisme de son dernier album, 4:44.
Brian b.dot Miller lui signale d’ailleurs que ce n’est pas dans les habitudes du rappeur de parler autant de lui…
« Je comprends que les gens aient pu être mal à l’aise » – à propos de l’aspect très personnel de son album.
Dans 4:44, l’ambassadeur de Brooklyn lève le voile sur ses séances de psychanalyse. (« Mon thérapeute dit que j’ai fait une rechute » – ‘Smile’). Des séances qu’il décrivait plus en détail lors de discussions bonus (disponibles sur Tidal) enregistrées avec Chris Rock, Trevor Noah, Kendrick Lamar ou encore Will Smith.
Lors de cet entretien fleuve, Jay-Z a dévoilé quelques coulisses de la préparation de son treizième album qu’il a réalisé en quasi face à face avec No I.D.
« Je n’ai pas simplement voulu faire un album. J’ai voulu que ça soit important, j’ai pris du temps (…) Je ne voulais pas que l’album soit trop long, que l’on manque quelque chose ». L’album de Jay-Z contient uniquement dix titres, chose devenue rare dans l’industrie du rap.
Chacune des chansons y est séquencée autour d’un thème particulier (l’héritage, l’auto-critique, sa vision du couple, la communauté noire aux États-Unis…).
Dans 4:44, Jay-Z s’est attaché à donner une perspective visuelle à de nombreux titres, et notamment « The Story of O.G » : une chanson lourde de sens, au texte dur, et dans laquelle le natif de Brooklyn fait part de ses désillusions concernant le sort des Afro-Américains, en citant une phrase surprenante d’O.J Simpson. Pour le clip réalisé en animation a priori enfantine, Jay-Z et le réalisateur Mark Romanek ont ressorti les caricatures d’Afro-Américains qu’utilisaient les premiers dessinateurs d’animation aux États-Unis : résultat glaçant. « Je voulais que ça soit un portrait honnête de ce que je disais ».
« The Story of O.J. » – Jay-Z.
Questionné sur Tidal et le rapport parfois compliqué qu’a pu avoir la plateforme avec Billboard (institution en charge des classement de ventes et de streaming aux États-Unis), Jay-Z rappelle, non sans amertume, que certaines des critiques qu’il a pu essuyer provenaient également de sa propre communauté. Il transpose d’ailleurs son cas à celui de l’ancien basketteur Lavar Ball (père de Lonzo Ball, espoir du basket américain) qui a lancé sa marque de sport, BBB.
« Pourquoi devient-on aussi vexé lorsque nous, en tant que représentants culturels, voulons créer nos propres choses ? », s’interroge Jay-Z avant de s’emporter dans un « Fuck Nike ! », symbole de l’auto-censure dans le domaine textile.
Même s’il soutient sa marque Big Baller Brand (en ayant acheté trois pairs), Jay-Z ne pense pas encore porter la marque fondée par Lavar Ball (ici avec son fils Lonzo Ball).
Au cours de l’interview, les journalistes ont fait revenir le rappeur sur la chanson « Kill Jay-Z ». Un titre sur lequel l’artiste ne mâche pas ses mots concernant sa carrière ainsi que son caractère. À l’époque de la sortie du disque, beaucoup d’observateurs avaient interprété une pique adressée à l’un de ses proches : Kanye West (qui a démarré en tant que producteur de Jay-Z pour finalement co-signer avec lui l’album Watch The Throne en 2011).
Malgré le fait qu’il reconnaisse que Kanye West ait sérieusement « franchi la ligne avec lui » -concernant des mots prononcés sur scène par le rappeur de Chicago- Jay-Z rappelle que « Kill Jay-Z » n’est qu’une auto-discussion entre deux facettes de sa personnalité, Shawn Carter et Jay-Z.
Concernant l’embrouille avec son ex-protégé, Jay-Z reste optimiste et sait que leur relation s’arrangera lors d’une future discussion.
Jay-Z à propos de Kanye West : « Il sait qu’il a franchi la ligne ».
Sur son histoire personnelle des derniers mois, Jay-Z a évité l’instant confessions en préférant un état des lieux honnêtes de la situation. L’épisode de la violente dispute dans l’ascenseur avec Solange est derrière lui, et cette dernière sera toujours « une soeur, pas une belle-soeur ». Un an après la tornade Lemonade, où Beyoncé rendait publique une relation adultère entretenue par Jay-Z, le rappeur affirme de manière très pudique que le combat est toujours aussi dur mais qu’il le mène avec sa femme depuis le début.
Dans le clip « Sandcastles » extrait de Lemonade, Beyoncé et Jay-Z apparaissent ensemble.
L’homme de 47 ans surprend par sa lucidité sur sa position, parfois un peu trop ostentatoire aux goût des autres, et ne s’étonne plus qu’on l’insulte de « capitaliste », lui qui comptait ses millions dans « U Don’t Know ». Le rappeur revient aussi sur les mauvaises réactions qui ont suivi la conférence de presse de présentation de Tidal, perçue comme « un banc de gros artistes se plaignant de ne pas assez gagner d’argent » selon les mots du premier concerné.
À l’aube de la cinquantaine, après avoir compté ses millions et fait l’expérience de traumatismes personnels, Jay-Z se retrouve donc face à un nouveau défi : laisser un héritage, en prenant soin de ne pas passer pour un aigri donneur de leçons à la jeune génération…
Photographie à la Une © Tidal/Rap Radar.