Cette année, le prix BabyBrand, qui récompense les jeunes créateurs, a été décerné à aux fondatrices de RA+RE. Un label et une ligne de vêtements pour mettre en lumière les femmes dans la musique électronique.
Le 19 janvier dernier, le label minimal-house français exclusivement féminin RA+RE, recevait le prix BabyBrand 2016, un concours qui récompense les jeunes créateurs « made in France », créé par le publiciste Gérald Cohen. Cette année, le jury était présidé par Arnaud Montebourg. RA+RE qui a lancé une ligne de vêtements en octobre 2015, en plus de son label minimal-house 100% féminin, s’est vu donc vu décerner le prix BabyBrand fashion. Un prix qui récompense « une entreprise naissante issue de l’industrie des apparences ». Chacun des membres du jury offre ses services à la marque lauréate sous la forme de conseils et d’accompagnement d’une valeur d’une valeur estimée à 41 000 €.
Le geste d’Arnaud Montebourg est loin d’être anodin. Dans un univers musical majoritairement masculin, il donne une place aux artistes électroniques féminins.
« Cette nouvelle génération, ces jeunes créateurs et producteurs, sont en train de changer l’avenir productif de notre pays. Il faut les encourager et les soutenir, impérativement », a déclaré l’ancien ministre de l’Économie.
Consécration pour Clara Rohmer et Claire Abitbol, les co-fondatrices de RA+RE (avec Jessie Dib, styliste qui vit à New York). Lancé en juin 2014, le label vise avant tout à « créer une communauté d’entraide afin d’encourager les femmes qui veulent se lancer dans la musique électronique, autrement dit, un milieu hyper-masculin », explique Claire Abitbol.
Retour en 2012. Clara, Claire, et Jessie vivent toutes les trois à New York. Passionnées de musique électronique, elles arpentent les soirées new-yorkaises.
« On se retrouvait souvent dans les mêmes clubs de techno, on était les seules filles d’un groupe de garçons. Petit à petit, l’idée a muri et on a décidé de lancer notre société », raconte Claire.
Clara et elle ont toutes les deux fait des études de commerce avant de se lancer dans la musique électronique, un atout pour ces entrepreneurs. Cela fait désormais plus de cinq ans qu’elles sont aussi toutes les deux DJ.
Au total, RA+RE regroupe aujourd’hui douze artistes, douze femmes DJ et productrices. Bien que le label vise à valoriser les femmes dans la musique électronique, leur démarche n’est paradoxalement pas militante, comme l’affirme Clara Rohmer :
« Pour nous, le mot ‘féminisme’ est un terme assez fort par rapport à ce qu’on revendique. Tout ce qu’on a cherché à faire c’est créer une sorte de bande de copines avec qui tu peux faire du son sans pour autant être tout le temps avec des mecs ».
Très rapidement, Clara, Claire et Jessie décident de lancer une ligne de vêtements. « Il y a de plus de en plus de filles qui sont passionnées de musique électronique. Et on a constaté qu’il y a un vrai look de clubbeuses. Donc on a décidé de lancer une collection, Jessie dessine les vêtements », détaille Clara. De quoi garder une part de féminité tout en évoluant dans un univers masculin, donc.
Bien que la musique électronique apparaît de premier abord comme un milieu ouvert, il existe un sexisme ambiant. « Oui bien sûr, c’est plus difficile d’être prise au sérieux au départ, surtout par les autres hommes DJ », mais les fondatrices de RA+RE reconnaissent que le fait d’être une femme peut aussi parfois devenir un atout : « Je reçois souvent des demandes pour venir jouer où on me dit : ‘On a très envie d’avoir une fille, c’est génial, c’est plutôt rare’ », confie Clara. Le risque ? tomber dans le favoritisme :
« On entend parfois des gens nous dirent ‘Elles réussissent car ce sont des filles’, donc on doit montrer que notre travail est aussi bon que le leur, voire parfois même meilleur. Et puis, nos noms et nos visages n’apparaissent pas sur nos disques, donc les gens ne peuvent même pas savoir que ce sont des femmes derrière les platines », explique Claire.
Âgé de moins de deux ans, le label connaît pour l’instant un véritable succès. Les artistes se produisent dans les nombreux clubs parisiens ainsi qu’à l’étranger. « Au départ, personne ne nous répondait. Désormais on n’a plus besoin de chercher des artistes, elles nous contactent directement », se réjouit Claire non sans une pointe de fierté. Avec déjà un label et une ligne de vêtements, les co-fondatrices de RA+RE ne comptent pas s’arrêter là. Elles prévoient de créer un concept store qui combinerait toutes leurs passions, un café-disquaire-boutique de prêt à porter. Le tout, conçu par des femmes… bien sûr.
(Photos : Adrien Levinger)