Le Gros Journal de Mouloud Achour a reçu aux pieds de la Tour Eiffel la chanteuse Beth Ditto et le rappeur Joke, pour une rencontre inédite entre le Français et l’Américaine.
LE GROS JOURNAL BETH DITTO JOKE DEF par legrosjournal
Mouloud : Salut et bienvenue dans le Gros Journal, on s’est mis juste en bas de la Tour Eiffel pour accueillir une grande dame de la pop, elle s’appelle Beth Ditto, du groupe Gossip. Beth Ditto revient, et on va lui présenter un autre excentrique, mais qui vient du rap, il s’appelle Joke, il vient de Montpellier, son deuxième album sort dans les jours qui viennent, et il est très attendu. Comment ça va ?
Joke : Ça va très bien.
On va parler français ou anglais ?
Beth Ditto : Français et anglais aussi.
Tu seras la présentatrice, ok ?
Beth Ditto : Ok.
Regarde cette caméra et répète après moi. Bonjour !
Beth Ditto : Bonjour !
Je m’appelle Beth…
Beth Ditto : Je m’appelle Beth…
Mouloud : Je suis à côté de Joke.
Beth Ditto : Je suis à côté de Joke.
Dans l’émission de Mouloud…
Beth Ditto : Dans l’émission de Mouloud…
Et vous regardez…
Beth Ditto : Et vous regardez…
Le Gros…
Beth Ditto : Le Gros…
Journal !
Beth Ditto : Journal. Le Gros Journal.
La dernière fois qu’on s’était vu, c’était au Grand Journal à Cannes avec Sacha Baron Cohen.
Beth Ditto : Je me souviens. C’était mémorable.
Que s’est-il passé depuis ?
Beth Ditto : Beaucoup de choses !
Maintenant, tu chantes en solo, Gossip c’est fini. Tu écris une nouvelle page de l’histoire.
Beth Ditto : Gossip c’est fini. Ça a duré longtemps. On a eu la chance de travailler ensemble. Comme je lui disais, quand on garde un groupe d’amis soudés, c’est parce qu’on a confiance. C’était notre cas.
Ton histoire est dingue, tu t’es fait connaître avec ce single. Ensuite, tu es devenue une star mondiale.
Beth Ditto : Non.
Si c’est vrai. Quand tu vas dans n’importe quel McDonald et que tu entends ta chanson…
Beth Ditto : C’est le partenariat idéal. Quand on me voit, on voit McDonald.
Moi quand je te vois, je vois l’underground. Tu n’es pas une fausse pop star.
Beth Ditto : Je n’ai pas l’impression d’être une pop star.
Tu es une icône de la pop, tu fais toutes les unes. D’après NME, tu es la fille la plus cool au monde. Comment vis-tu cette célébrité ?
Beth Ditto : Je ne m’en soucie pas. Je suis très douée pour ça et je suis américaine. Gossip n’a pas percé aux États-Unis. Quand je rentre chez moi, je conduis une Toyota, je reste chez moi, je fais le ménage, je m’occupe de mes chats.
Combien de chats ?
Deux.
Comment s’appellent-ils ?
Butter et Tofu. La nourriture… J’essaie juste de ne pas m’en soucier. Je m’intéresse aux gens, pas aux chiffres, et à la qualité… C’est ça que j’aime, parce que les concerts sont plus petits, plus conviviaux. Ça me manque beaucoup.
En parlant de public, est-ce que tu te rends compte de ce que tu lui as donné en matière d’égalité des droits dans le monde ? Rien qu’en matière d’estime de soi, tu as montré une nouvelle manière de devenir célèbre. Tu ne ressembles pas à Kim Kardashian ou à Kate Moss.
Je pense que mon derrière est plus gros que celui de Kim Kardashian. Parole d’honneur, il est plus gros. Il a plus de cellulite, naturel. Je ne sais pas, c’est gênant. Je viens de la scène punk où il n’y a qu’une seule façon d’être, c’est d’être soi-même. Je ne veux pas passer mon temps à changer et à me concentrer sur mon apparence. Ce n’est pas intéressant. Il y a bien plus intéressant que l’image, la silhouette ou la taille. On a aussi une créativité, une intelligence, un cerveau… De l’empathie, de l’intérêt pour les autres.
Est-ce que ton audience te dit parfois “Merci, grâce à toi, je peux être moi-même” ?
Oui, ça fait tellement plaisir ! C’est ce que je voulais. C’est un peu ma façon de leur dire merci et de remercier ceux qui étaient là avant moi, comme les groupes de riot girl ou de punk, le féminisme et la culture queer… Toutes ces choses qui étaient là avant moi et qui m’ont permis de devenir celle que je suis et de me retrouver là aujourd’hui, avec vous. C’est un rêve. C’est inouï, je ne m’y attendais pas et c’est génial d’être là.
J’aimerais t’introduire Joke. C’est l’espoir du rap français, son deuxième album arrive, tout le monde l’attend depuis deux ans maintenant. Tout le monde se disait “Où est Joke ?” Joke était en studio, l’album s’appelle « Ultra Violet ».
J’ai une question pour vous deux. Quand Joke est arrivé dans le rap français, tout le monde le disait excentrique, parce qu’il ne jouait pas le rôle du mauvais garçon comme dans les autres clips. Il avait de l’attitude et du style et tout le monde disait que Joke était excentrique. Quelle est ta définition de l’excentricité ?
Beth Ditto : Ça peut sembler nunuche, mais c’est être soi-même et aussi… on ne peut pas s’empêcher d’être bizarre. L’excentricité est ce qui rend les gens intéressants. Les personnes excentriques et les artistes se comportent comme ils veulent, peu importe le nombre de personnes qui les regardent ou les écoutent. Ils ne le font pas pour être approuvés, mais parce qu’ils sont comme ça et ne peuvent pas s’en empêcher. Ils ne le font pas pour l’argent, même s’ils aiment ça, mais ce n’est pas une question d’argent, même s’ils sont ruinés. Je ne sais pas où ni comment tu as grandi, moi j’étais plutôt… fauchée !
Joke n’a pas grandi à Paris. Tu n’as pas grandi à New York ni à L.A.
Beth Ditto : Moi non plus.
Il vient de Montpellier…
Joke: Le sud de la France.
Beth Ditto : Ah oui ? Je viens du sud des États-Unis.
Le fait de vivre loin des grandes villes en tant qu’artiste t’aide-t-il à être plus originale et à faire ce qu’il te plait ?
Beth Ditto : Je ne sais pas pour toi, mais pour moi, comme je ne savais pas ce qui était à la mode, ce n’était pas facile d’aller voir des concerts. On n’avait pas MTV, on n’avait pas ce genre de choses. On a grandi à la campagne. Donc quand tu grandis comme ça, tu dois te faire ta propre idée du cool et tu réinventes ton idée du cool. Tu t’imagines quelque chose d’étrange qui n’a rien à voir avec la réalité. Vous voyez ce que je veux dire ? C’est un peu comme la différence entre les gens du sud et les gens du nord qui ont accès à tous aux États-Unis, aux villes, à l’art et à la culture, et pour qui c’est normal. Dès que je pouvais y avoir un peu accès, je m’en réjouissais. Ça m’a fait travailler plus dur. Ça m’a rendue plus ingénieuse. Quand on n’avait rien, on créait. Si tu voulais quelque chose, tu le faisais.
Est-ce que toi joke, le fait de venir de Montpellier, ça t’a aidé dans ta quête d’être différent.
Joke : Je ne pense pas pareil qu’elle parce que j’avais quand même accès à tout ça. J’avais accès à toute la musique que les mecs écoutaient ici mais le fait d’être de là-bas, j’avais peut-être une objectivité, un recul sur ce qu’il se passait. Et je pouvais peut-être plus être moi-même. Qu’un mec qui est ici, et qui rappe avec tout le rap game français. Donc je pense que moi ça m’a aidé dans un sens pour être singulier dans mon rap.
Tu as employé deux expressions : « être soi-même » et « cool ». J’ai l’impression qu’aujourd’hui dans cette culture, qui est devenue une grande industrie, le mot « cool » est devenu le parfait opposé d’être soi-même.
Beth Ditto : Tout est dans la tête.
Comment fais-tu pour ne pas être une imitatrice aujourd’hui ?
Beth Ditto : C’est ce qui fait la différence. Quand on voit quelqu’un sur scène, c’est brut, en direct, il y a des erreurs, ce n’est pas parfait. L’excentricité, c’est ça, ce n’est pas parfait.
Je vais te raconter. Quand Joke a sorti son premier album, il y a deux ans, il était avant-gardiste. Il a innové. Maintenant, tout le monde le copie.
Beth Ditto : Bien sûr. C’est l’inconvénient d’être le premier. Je ne sais pas ce que c’est d’être la première. Quand je vois ça, ça me rend tellement triste, dès qu’une musique pure et vraie sort, elle est copiée et recopiée…La culture pop met la main dessus, le capitalisme aussi, puis ça devient un produit mieux accepté parce qu’affaibli. Elle est diluée. Elle est réduite pour être absorbée par la masse.
Joke : Ce n’est pas la même substance, il n’y a pas la même vie.
Beth Ditto : Exactement.
Il a un peu la pression parce que son album n’est pas encore sorti et tout le monde l’attend.
Beth Ditto : Oui, j’ai entendu.
C’est sa première apparition à la télé. Ca en est où l’album ?
Joke : Je suis sur la fin. Mais ça été compliqué. Ce n’est même pas volontaire en fait d’avoir attendu tout ce temps-là. Parce que c’est la vie en fait. J’ai vécu beaucoup de choses qui m’ont changé.
Tu as été papa.
Joke : J’ai été papa, j’ai une fille qui a deux ans.
Il est papa maintenant.
Beth Ditto : Comment s’appelle-t-elle ?
Joke : Maxine
Beth Ditto : C’est trop mignon.
Dis-moi Beth… Ton nouvel album s’appelle « Fake Sugar ». Tu habites aux États-Unis. Est-ce que tu penses avoir un « faux » président, avec Trump ? Comment vis-tu avec ça ? Avec toutes les valeurs que tu représentes, ton combat pour les LGBT…
Beth Ditto : Les LGBT sont le moindre de mes soucis. Je suis plus inquiète pour les personnes plus vulnérables. Moi, je ne vais nulle part, je ne me fais pas contrôler, on ne me dit pas ce que je dois faire. Je suis plus inquiète pour les gens… les réfugiés, qui n’ont personne vers qui se tourner. On est des super puissances mondiales et on ferme la porte aux personnes qui ont le plus besoin de nous. Des femmes, qui n’ont pas accès à la santé. Le système de santé lui-même. Quand il a été élu, tout le monde était très triste. Passer de Barack Obama à Donald Trump, je me demande comment c’est arrivé. Ne viens pas aux États-Unis. Pas tout de suite, ça ira mieux plus tard.
Joke : Je l’espère.
Beth Ditto : Tu devrais venir aux États-Unis en fait. Les gens vont t’adorer.
Beth, j’ai une dernière question. Est-ce que tu crois les médias ?
Beth Ditto : Je pense surtout que c’est une question d’argent. Tout est une question d’argent. C’est ce qui nous motive aux dépens des êtres humains. Tant que les médias sont contrôlés par le pouvoir, les médias mentent. Maintenant, les jeunes utilisent Wikipédia comme source sûre. Je crois au pouvoir du peuple, mais il faut que les faits soient vérifiés. Quand tu consultes internet comme une source sûre… Quand on était petits, on nous disait de ne pas croire tout ce qu’on raconte à la télé. Notre époque est encore plus dangereuse.
Internet est formidable, ça relie le monde, les mouvements et les sociétés. Un artiste n’a plus besoin de label. C’est génial. Tu peux faire des vidéos, c’est accessible à tous, ça réunit les gens coupés du monde. C’est génial. Mais c’est aussi effrayant, car c’est un outil créé par l’homme. Quand tu vois les gens pousser de gros coups de gueule depuis chez eux sur les immigrants et prôner la construction d’un mur entre le Mexique et les États-Unis, c’est de la folie ! Et prendre ça pour des faits… ça fait flipper. C’est de la propagande. C’est le moyen le plus rapide de diffuser la propagande et ça fait peur.
Donc, est-ce que je crois les médias ? Je pense que les médias doivent être libres de s’exprimer, mais dois-je accepter que les médias professent de fausses vérités ? Non, car c’est de la propagande, c’est dangereux pour la société.
Je crois une chose : cette émission ne repose pas sur l’argent, mais sur l’amour. Ce que tu nous as donné aujourd’hui, c’est de l’amour. On t’aime.
Beth Ditto : Je vous aime aussi ! Je t’aime très fort.
Joke, on t’aime aussi. On attend l’album.
Beth Ditto : Je t’aime. Comment dit-on mignon en français ?
Tu trouves Joke mignon ?
Beth Ditto : Très mignon.
Beth Ditto : Je veux voir ta petite fille.
Joke : Je vais te montrer une photo.
Beth Ditto : Ça serait super ! Elle te ressemble ?
Joke : Oui, beaucoup.
Beth Ditto : Oh mon Dieu ! Je suis obsédée par les bébés.
Mouloud : C’était une émission sur la mignonité. C’était Joke & Beth Ditto. Beth Ditto : Beth Ditto, la nounou de Joke. La nounou de Maxine !
Des nouvelles de Joke, bientôt sur Clique. Joke, c’est quand l’album ?
Avant l’été, si Dieu veut.
L’album avant l’été donc sur Clique avant l’été. On se retrouve bientôt. Regarde ces caméras et dis : Vous avez regardé.
Beth Ditto : Vous avez regardé.
Le Gros Journal…
Beth Ditto : Le Gros Journal…
À demain…
Beth Ditto : À demain…
Sur Canal+ !
Beth Ditto : Sur Canal+ !
Bande de bâtards !
Beth Ditto : Bande de bâtards !
Beth Ditto : T’aurais pu me faire dire : « Maman, mange ta merde et va mourir ! » Mange merde, au revoir !