Ce soir dans le Gros Journal, Mouloud Achour reçoit deux invités dans le cadre insolite et verdoyant du Jardin d’Agronomie Tropicale, situé dans le bois de Vincennes ; le psychiatre et psychothérapeute Christophe André à l’occasion de la sortie de la compilation écrite de ses chroniques estivales sur France Culture, Trois minutes à méditer, et l’ancienne mannequin Adriana Karembeu, pour son livre Tout ce que vous avez toujours voulu savoir pour être au top et le rester, à paraître mercredi chez Michel Lafon.
Le Gros Journal avec Christophe André et… par legrosjournal
Mouloud Achour : Salut et bienvenue dans le Gros Journal. Hier, les Français ont décidé de qui allait être au second tour de l’élection présidentielle. Partout c’est l’hystérie, ici ça va être le calme, la sérénité, le moment présent, la confiance en soi avec Adriana Karembeu et Christophe André. On respire, et on regarde le Gros Journal. La méditation en plein éveil de conscience, est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que c’est ?
Christophe André : La méditation, les gens ont toujours l’impression que c’est un truc intimidant, mystique, religieux. Voilà, pour méditer, il faut partir dans un monastère et se raser le crâne. En fait, ça peut être ça, mais ça peut-être aussi un truc très simple, c’est se dire : “Rends-toi plus présent à ta vie.” On est en train de vivre des tas de choses passionnantes, mais on pense à autre chose, en écoutant de la musique, en regardant les écrans, au lieu d’être juste présent à ce que nous vivons et la méditation de pleine conscience nous rappelle juste ça. Sois présent le plus souvent possible dans la journée à ce que tu es en train de vivre, au dialogue que tu as avec quelqu’un, à cette bière, à ce thé ou à ce café que tu es en train de boire, au ciel bleu au-dessus de toi. Arrête-toi et absorbe ces choses-là. Et ça, ça nous rend à la fois plus apaisés et plus costauds.
Il y a des tas de livres comme le vôtre qui sortent tout le temps. C’est ce qu’on appelle le “Développement personnel”. Par exemple, à la Fnac, vous avez remplacé le rayon Rap Français. Comment vous expliquez ce phénomène ? Pourquoi les gens ont tellement envie de ça ? Et surtout aujourd’hui, le lendemain du premier tour de l’élection.
Christophe André : Ça s’explique d’abord par ces histoires effectivement d’emballement de nos vies, les emballements médiatiques, avec le pilonnage d’informations parfois assez préoccupantes ou inquiétantes. Il y a aussi ce que l’on appelle la guerre de l’attention. C’est dans nos sociétés, notre attention est très souvent captée par des messages publicitaires, par des sollicitations quand on navigue sur Internet ou quand on se balade dans la rue, on est très dispersés au point de vue de notre mental.
Vous êtes dispersée vous Adriana ?
Adriana Karembeu : Je pense qu’on nous demande d’être performant tout le temps. Et si l’on ne l’est pas, on est foutu. Donc les gens ils s’intéressent à comment s’améliorer, comment être plus efficace. Donc c’est peut-être pour ça que ce genre de livre se vend très bien.
Vous citez Christophe André dans votre livre ?
Adriana : Oui.
On a l’impression qu’aujourd’hui, on nous donne tout le temps des méthodes pour aller vite mieux. Là c’est “Trois minutes pour méditer” vous c’est un best of de tout ce qu’il faut faire pour prendre quelques moments dans la journée pour s’améliorer.
Parce que tout le monde est « busy », tout le monde est occupé. Et c’est une jolie initiation de trois minutes, tout le monde se dit : “Ah tiens peut-être que je peux le faire.” Parce que si vous dîtes à quelqu’un qu’il va s’initier à la méditation en huit semaines, il ne va probablement pas le faire.
Christophe André a beaucoup travaillé sur l’estime de soi, sur la confiance en soi. Vous, vous avez été mannequin, est-ce que ce n’est pas le métier qui détruit le plus la confiance que l’on a en soi?
Mon métier m’a tout donné dans ma vie. Moi j’avais une enfance très difficile et j’avais une confiance en moi inexistante. Même aujourd’hui j’en souffre, mais ça va déjà beaucoup mieux.
Parce qu’on a quand même du mal à croire qu’Adriana Karembeu n’a pas confiance en elle. Alors que si.
Quand j’ai commencé à faire mon métier, soudainement les gens m’ont dit : “Tu es jolie”, “cette robe te va bien.” Et pour moi ce monde a tout changé, toute ma personnalité, grâce à ce métier. Je suis extrêmement reconnaissante. C’est mon histoire personnelle.
Vous en pensez quoi, Christophe André, de cette société où finalement on vit dans le culte de l’image, des réseaux sociaux, où tout le monde s’expose, tout le monde essaie de se montrer sous son meilleur jour avec le meilleur filtre et où finalement, personne n’a confiance en soi ?
Christophe André : C’est logique, pour nous, parce que c’est une spirale dangereuse. Ce désir absolu de se présenter sous le meilleur jour possible, sur Facebook, sur tous les réseaux sociaux. Ça ne doit plus être Facebook maintenant, il doit y avoir des trucs plus pointus. On poste toujours des photos de soi heureux, le bon profil, toutes les photos où l’on est moche, ou l’on a l’air triste, on les jette à la poubelle. Donc on véhicule auprès de tout le monde l’idée que la normalité, c’est d’être beau, d’être heureux, d’avoir plein d’amis. Mais ce n’est pas tous les jours ça la normalité. Des fois la normalité c’est d’avoir une sale tête, de se sentir un peu seul, de rater des trucs. Et ça, c’est évacué de nos sociétés. Mais du coup, ça complexe beaucoup de gens, ça stresse beaucoup de personnes. Effectivement, effectivement.
J’aimerais qu’on fasse quelque chose qui n’existe pas à la télévision, c’est qu’on prenne trois minutes pour méditer. Parce que l’on est entre les deux tours, est-ce que Christophe André peut nous montrer maintenant, comment méditer trois minutes à la télévision, pour faire le vide entre ces deux tours ?
Christophe André : Pour méditer, d’abord on choisit une posture adaptée à la méditation. On n’est pas tout avachi, tout crispé. On se redresse, on ouvre les épaules, pas de raideur, on laisse poser les mains sur les genoux, paumes vers le haut, paumes vers le bas et puis, on se rappelle un truc qui n’a pas de performance, pas de but. On va simplement essayer d’être là, à cet instant. On commence par observer et par ressentir les mouvements de son souffle. On ne cherche pas à respirer de telle ou telle façon, mais juste à bien ressentir que notre corps fait le boulot fantastiquement. Il respire tout seul, c’est impeccable. On ne s’en mêle pas. On fait que ressentir l’inspiration et l’expiration. Regarder passer nos pensées, sans chercher à les bloquer, en faisant attention de ne pas les suivre, de ne pas commencer à ruminer. Et on reste avec ça, trois minutes, trois heures, trois jours. Le temps que l’on veut.
Adriana : Ça fait un bien fou. Vous ne le faites jamais ?
Là je viens de le faire, ça fait du bien.
Adriana Karembeu : Non, mais avant ?
Non avant je ne l’ai jamais fait. Vous faites ça vous ?
Adriana Karembeu : Ah oui.
Parce qu’il faut bien rappeler que ce n’est pas un truc de “foncedé » ou de « secte.” Ça se fait dans les hôpitaux.
Christophe André : Bien sûr.
Adriana Karembeu : Dans les écoles, dans les entreprises.
Christophe André : Absolument.
Dans votre livre, Adriana, il y a un mot dans le titre qui est “être au top.” Est-ce que l’on a besoin d’être au top dans la vie ?
C’est important quand même. Si vous vous sentez bien dans votre corps, dans votre tête, dans votre peau, si vous êtes serein, heureux, c’est bien. C’est mieux que de ne pas l’être. Moi, j’appelle ça être au top.
Est-ce qu’on peut passer en revue quelques conseils pour qu’on soit tous au top ? Parce que là on vient de méditer. Là maintenant, c’est Adriana Karembeu qui va nous donner deux, trois petits trucs pour être au top entre les deux jours de l’élection. Alors le matin, je me réveille, et qu’est-ce que je fais ?
Déjà, je m’étire dans le lit comme un chat. Après je fais un étirement, mais c’est un étirement quand on est très ami avec notre corps. Ça veut dire que quand on s’étire comme ça, on pense bien à chaque mouvement. On sent notre corps, on le réveille pour justement dans la journée ne pas se faire mal. De le sentir, on sent un peu chaque muscle, d’être conscient de ce que l’on possède comme corps. C’est déjà un bon truc à faire. Après c’est plein de conseils du côté de l’alimentation, de manger des bons aliments, de bien les cuisiner.
Il faut les cuisiner soi-même ?
C’est préférable, et c’est quand même amusant. De ne pas les surcuire, de les toucher, de les manipuler, c’est déjà être en relation avec des aliments. Ca nous apprend énormément de choses. Et puis bouger. Mais ce n’est pas courir deux heures un dimanche. C’est plutôt marcher, monter les escaliers, 20 ou 30 minutes par jours, mais régulièrement. Et ça change tout.
Comment vous expliquez le succès de ces vidéos de développement personnel sur internet ? Pourquoi est-ce que les gens vont chercher ça ? En France, par exemple, où l’on est le pays qui consomme énormément d’antidépresseurs.
Christophe André : Je crois qu’il y a quand même une aspiration à plus de santé, à plus de bien-être, qui est quelque chose de très fort dans les sociétés occidentales. C’est une initiative des personnes. Auparavant, notre santé on ne s’en occupait pas finalement. Tant qu’elle était là, ça allait bien et puis un jour on tombait malade et on s’en remettait au médecin. Aujourd’hui, on a développé ce que l’on appelle le concept de santé active. La conscience qu’on peut faire quelque chose pour protéger sa santé, pour améliorer cette santé.
Moi je suis quelqu’un de très dark. Je suis très dark, très sombre. Est-ce ça peut aider à être moins sombre ?
Adriana : Dans quel sens vous êtes sombre ?
Je suis dark.
André : Moralement, vous avez des idées noires, vous êtes soucieux.
Oui voilà. Relou.
Vous êtes pessimistes aussi ?
Oui.
Adriana : Je ne suis pas optimiste comme mon mari par exemple.
Je descelle le dark.
Adriana : C’est vrai ?
Les darkeurs se reconnaissent.
Christophe : Justement, si c’est l’un des problèmes que l’on a, faire de l’exercice physique, vous savez que l’on a des tas d’études qui montrent que si vous faites 30 minutes de marche rapide, vous allez beaucoup moins ruminer. Toutes vos préoccupations vont être moins intenses. Alors ça ne les balaiera pas, mais quand vous sentez que vous commencez à ruminer, vous avez deux options : vous mettre dans un fauteuil, manger des cacahuètes devant la télé, ou aller marcher dehors le plus vite possible. Et on vous revoit une demi-heure après dans ces deux options, vous n’êtes pas dans le même état. Ça va moins mal, moins dark, si vous êtes allé marcher, si vous avez des copains, etc, que si vous êtes resté replié sur vous. Simplement, le problème, c’est de se dire “ce n’est pas parce que c’est simple que c’est inefficace”. Il y a des choses très simples qui marchent très très bien.
Est-ce qu’en France vous pensez qu’on aura, comme aux Etats-Unis, des shows comme celui-ci ?
– EXTRAIT –
Adriana : Je n’aime pas la façon. Après peut-être qu’il n’a pas tord…
On a l’impression qu’il y a quand même des tas de gens qui se réunissent dans une salle pour être filmés à écouter des évidences.
Christophe : Les évidences, c’est parfois des choses très fortes et très justes. Il faut se méfier, avec notre esprit très rationnel. Les évidences, pourquoi pas, mais il faut les mettre en œuvre, il faut les appliquer, ce sont des choses simples qui peuvent nous faire du bien, pas des trucs tordus, alambiqués.
Adriana, j’ai une question très très simple à vous poser : est-ce que vous êtes heureuse ?
Adriana : Oui, il fait un peu froid.
Ça va ? Tout va bien ? La vie, ça va ?
Adriana : Oui, la vie, ça va.
J’ai l’impression que là vous êtes au top en ce moment.
Adriana : Il y a beaucoup de gens qui me disent ça, c’est vrai, je suis bien.
Ça a été plus galère avant ?
Adriana : Quand j’étais petite, oui, mais ce qui nous apporte aussi l’âge. On apprend tellement de choses sur soi-même, sur les autres, sur la vie. Et puis, moi je trouve qu’avec l’âge on comprend plus l’essentiel.
Surtout j’ai l’impression qu’avec l’âge, vous qui avez fait un métier d’image qu’est le mannequinat, c’est quelque chose qui ne vous obsède pas. Déjà, ça va, vous êtes naturelle.
Adriana : Je suis maquillée, je ne suis pas naturelle.
Mouloud : Il n’y a pas eu 25 coups de chirurgie, c’est ça que je veux dire. Là, quand on vous lit, ce sont des conseils pour bien manger, pour rester équilibré, vous ne donnez pas l’adresse d’un chirurgien esthétique.
Adriana : Non, c’est le bon sens. C’est pour tout le monde. Je ne me prends pas trop la tête, mais c’était quand même mon métier et j’en ai bien profité. Mais j’ai une vie à côté, il n’y a pas que ça. J’ai une vie de famille, on fait d’autres choses et heureusement.
C’est quoi votre métier aujourd’hui ?
Adriana : Je ne sais pas.
Vous faites 1000 trucs.
Adriana : Parce que je n’ai pas vraiment un métier, j’ai fait les études de médecine trois ans, après je suis partie parce que j’ai été découverte dans la rue à Prague. Et puis ça a été une énorme aventure à partir de là. J’adore me lancer des défis, c’est aussi de ça dont je parle dans le livre. Quand on se met un tout petit peu en danger, c’est là que l’on peut se découvrir, parce que l’on a peur bien sûr, mais quand on affronte la peur, c’est là où il y a une grosse découverte. Quand on reste dans notre petite zone de confort, il n’y a pas de surprise. Et puis même les échecs ne sont pas graves.
Là, on est entre les deux tours des élections, quand on a entendu tous les candidats pendant cette campagne, ils ont très peu parlé d’éducation, ils ont beaucoup parlé de répression. Est-ce que finalement la méditation pourrait rentrer dans les programmes scolaires ? Quand on voit qu’un livre de méditation est un best-seller chez les enfants ?
Christophe : Elle est en train. Oui oui, il y a un petit livre qui est en train d’être un phénomène d’édition depuis plusieurs années, que les parents achètent pour apprendre à leurs enfants à méditer. Calme et attentif comme une grenouille, très bon bouquin. L’Éducation nationale s’intéresse à la méditation. Pas seulement pour les performances en termes de rendre les élèves plus attentifs, meilleure mémoire, etc, mais aussi parce que cela apaise leurs rapports. Ça fait qu’ils communiquent mieux, ils ont moins recours à la violence, ils sont plus dans l’empathie par rapport aux autres. On l’introduit aussi beaucoup dans les prisons, puisque dans les prisons, l’un des drames — il y a de nombreux drames dans les prisons —, mais l’un des drames c’est que l’on a des personnes qui ne savent finalement pas quoi faire pour se transformer, pour se changer, et bon nombre de ces personnes sont très preneuses des enseignements de méditation, donc il nous reste à l’enseigner aux politiques si c’était ça votre message.
C’était ça la question.
Christophe : Mais récemment, moi j’ai été invité par un groupe de députés à leur parler de méditation, donc les graines sont en train de prendre.
Ça va être l’heure de se dire au revoir, alors qu’est-ce qu’on fait pour se dire au revoir quand on est dans votre délire ?
Christophe : On se sert la pince ou on se fait la bise, comme tout le monde.
Adriana : Tu es vraiment dark.
Merci d’avoir regardé le Gros Journal, on se retrouve demain à la même heure sur Canal+, merci beaucoup d’être venus. On se sert la pince. Merci et à demain !