Selon le Petit Larousse, la République se définit de la sorte : « Du latin republica, forme d’organisation politique dans laquelle les détenteurs du pouvoir l’exercent en vertu d’un mandat conféré par le corps social ». D’après le Petit Sarkozy (sans mauvais jeu de mot), la République est : « une tranche de jambon et des frites à la cantine. (exception : une personne juive ou musulmane prendra deux portions de frites). »
Lundi 7 novembre, lors d’un meeting organisé dans son fief de Neuilly-sur-Seine, l’ancien Président de la République a suggéré de servir « deux rations de frites aux élèves musulmans ou juifs lorsqu’il y a du jambon au menu des cantines scolaires. » Si, il faut l’avouer, nombre d’écoliers en ont rêvé en passant leurs plateaux vert/gris devant la « dame de cantine », nous avons mis l’idée à l’épreuve de la réalité.
Concrètement, comment se prépare un repas de cantine ?
Pour choisir les plats et les doses qui seront servis aux écoliers, la majorité des établissements scolaires se base sur les recommandations du GEMRCN (Groupe d’étude des marchés de restauration collective et nutrition). Ainsi, pour les enfants en classe élémentaire, le groupe recommande des portions de frites de 170 grammes. Pour les lycéens, jusqu’à 200-250 grammes.
Grammages recommandés par le GEMRCN pour la constitution de repas équilibrés par portions d’aliments par enfant scolarisé (maternelle, élémentaire, adolescents et adultes). Juillet 2015
Sous M. Sarkozy, les élèves musulmans et juifs recevraient donc 340 grammes au primaire (170 x 2), et entre 400 grammes et un demi-kilo par assiette au lycée.
Nous avons demandé l’avis de la diététicienne Isadora Chandezon : « 400 grammes c’est énorme, ce n’est pas possible. 200 grammes aussi c’est beaucoup trop pour un écolier. C’est gras et baigné dans l’huile, donc saturé de mauvais acide gras. Pour un lycéen ou un écolier en pleine croissance, il faut des légumes frais, de la viande ou du poisson pour faire un repas équilibré. Un repas composé uniquement de frites, ce n’est pas possible. »
Qu’attendre si un élève engloutit une portion comme celle-ci à la cantine une fois par semaine ?
« L’obésité, et des risques de boucher ses artères. Pour vous faire une idée, une grande portion de frites chez Mc Donald’s pèse 200 grammes. C’est de l’alimentation plaisir, on ne peut pas se nourrir que de frites, surtout quand on est écolier. »
Les astuces « diététique et laïcité » de M. Sarkozy sont donc mal avisées… La proposition est d’autant plus surprenante que, sous le mandat présidentiel de M. Sarkozy (2007-2012), le taux d’obésité en France est passé de 12,4% de la population à 15%, selon l’étude trisannuelle ObEpi Roche. Pire encore : 1 enfant sur 5 souffre d’obésité, en particulier dans les populations socio-économiques les plus vulnérables. Et, selon Manger Bouger, « en cas d’obésité infantile, le risque d’obésité à l’âge adulte est de 80 %. » Et qui dit obésité de l’adulte dit des risques accrus de problèmes cardiovasculaires et de cancers dans quelques années.
Pour lutter contre ce danger, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments a mis en place depuis 2001 le Programme National Nutrition Santé (aka le fameux « Manger-Bouger, 5 fruits et légumes par jour »). Sur le site officiel de l’Assurance-Maladie (établissement public), l’obésité infantile est même qualifié de problème majeur de santé. Le programme 2017 de M. Sarkozy, qui préconise de couper 31 milliards d’euros à l’Assurance-Maladie, nous chagrine donc un peu.
Une question reste néanmoins en suspens : si, pour des raisons de laïcité républicaine, les élèves musulmans remplacent la viande par une double portion de frites, ont-ils quand même droit de les manger avec une sauce algérienne ?
Image à la une : « Super Size-me », de Morgan Spurlock