En Iran, pour contourner les contrôles humiliants, des jeunes femmes n’hésitent plus à se déguiser en homme, quitte à se couper les cheveux, ou même se les raser.
En Iran, c’est une guerre culturelle qui a lieu en ce moment, dans la rue. Après avoir augmenté l’effectif de la police des moeurs en avril dernier, pour veiller au bon port du voile, l’Etat iranien fait désormais face à la rébellion de femmes qui refusent de céder à ces pressions. La police des moeurs, dont les 7000 nouveaux agents quadrillent le territoire iranien, est en charge du respect des normes vestimentaires depuis la révolution islamique de 1979. Voile, vêtements amples, et frontière stricte entre dress-codes masculins et féminins sont ainsi surveillés.
Ce renforcement des contrôles s’est accompagné ces derniers mois d’une traque impitoyable sur lnstagram. Plus de 300 comptes de certains salons de coiffures, studios de photographie, et agences de mannequinat du pays sont ainsi scrutés. Objectif de cette recrudescence de surveillance : contrer la potentielle occidentalisation de la jeunesse iranienne, scotchée aux réseaux sociaux. Malgré les critiques qu’il a émises à propos de ces contôles, le Président de la République Hassan Rohani plutôt modéré semble impuissant face au Guide suprême de la révolution l’Ayatollah Ali Khamenei, ardent défenseur de cette morale conservatrice.
Des personnalités de la télévision iranienne et des mannequins ont ainsi vu leur comptes Instagram ou Facebook supprimés pour des posts jugés inappropriés. Cette semaine, l’opération (appelée «Araignée II», elle a débuté en 2014) a provoqué l’incarcération de huit mannequins, dont le nom n’a pas été divulgué. 21 autres personnes ont été poursuivies pour les mêmes raisons.
Minoo Kaleghi, qui a remporté un siège au Sénat iranien en février dernier, s’est vue quant à elle refusée d’accès à l’institution parlementaire. Celle qui a été élue dans la circonscription de la ville d’Istaphan, (située à environ 300 kilomètres de Téhéran) a été disqualifiée car des clichés d’elle sans son voile ont circulé, et bien que cette dernière ait crié à la manipulation et au coup politique.
En réaction à ce nouveau recadrage sociétal, de nombreuses Iraniennes ont posté sur leur compte Instagram des photos d’elles avec leur cheveux découverts, en signe de protestation. Dans la rue, d’autres ont fait un choix encore plus radical, celui de se couper les cheveux et s’habiller comme des hommes, pour pouvoir circuler librement.
Renoncer à leurs cheveux plutôt qu’à leur liberté. Pour ces Iraniennes, le choix est fait.
Certaines activistes vont même jusqu’à exhorter les touristes de ne pas respecter le port du voile, tandis que l’une d’entre elles s’est introduite au coeur du stade de football du Sepaphan F.C. le club dans cette même ville d’Isfahan.
Sur son compte Facebook, le journaliste sportif Pejman Rahbar s’est ému du geste de courage de la jeune supportrice.
Masih Alinejad, journaliste engagée iranienne basée à New-York a créé une page Facebook appelée My Stealthy Freedom (Ma liberté furtive en version française) sur laquelle les jeunes Iraniennes postent les images d’elles tête découverte, ou habillées en homme.
Mise en ligne il y a deux ans, depuis le début de l’opération «Araignée II», la page – qui compte près d’un million de « j’aime » – s’est transformée en nouvelle agora de ces femmes iraniennes qui contestent le renforcement de la police morale et l’usage de ces méthodes totalitaires.