Pour la sortie de l'ultime saison de Sex Education demain, est-ce qu’on n’en profiterait pas pour revenir sur la construction des personnages de la série pour ado ayant brisé de nombreux codes ?
La série Sex Education a été célébrée pour toute la nouveauté qu’elle apporte, les thématiques inclusives, les tabous qu’elle aborde et sa réalisation de qualité. Les personnages haut en couleur se succèdent et offrent un large panel divers et inclusif réagissant aux différents stéréotypes et clichés qui s’accumulent encore dans nos séries.
Bad boy, bad bitch, nice guy… est-ce que nos chouchous échappent au cliché qu’ils dénoncent ?
Otis Milburn : le nice guy
En théorie : tout le monde aime les nice guys… Jusqu’à ce qu’ils révèlent leur véritable visage. Le nice guy est, par définition, gentil. Mais dès qu’on parle amour, relation ou sexe, le nice guy devient égoïste. S’il est gentil, c’est bien parce qu’il a une idée derrière la tête. Lorsque l’héroïne refuse ses avances, il se transforme en un “ouin-ouin” capricieux et cache son comportement problématique derrière une pseudo-maladresse.
En pratique : malgré sa connaissance des problématiques patriarcales, Otis bascule parfois dans ce cliché. Que ce soit dans sa relation avec Maeve, ses colères avec Ola, sa manipulation avec Ruby et même l’abandon de son meilleur ami lorsque cela ne correspond pas à ses propres intérêts, Otis reprend quelques caractéristiques du nice guy mais il n’hésite pas à faire face à ses propres défauts afin de grandir…
Maeve Wiley : la Manic Pixie Dream Girl pleine d’ambition
En théorie : La Manic (énergique) Pixie (petite fée) Dream Girl est le crush préféré des séries américaines.
Blanche, mince, des tenues excentriques, une passion pour la littérature (bonus lorsqu’elle est féministe), un caractère atypique : la MPDG est “la fille pas comme les autres”. La raison d’être de ce personnage ? Bousculer le héros dans sa vie et ses convictions, l’aider à saisir les merveilles de la vie, le sortir de sa zone de confort… En gros, devenir un meilleur homme.
En pratique : Si Maeve correspond sur certains aspects au cliché, elle a aussi son propre arc narratif, ses propres désirs, rêves et objectifs, ce dont est privée la MPDG originelle.
Eric Effiong : le Gayngel racisé
En théorie : des paillettes, du rire, de l’énergie… Le Gayngel est le “meilleur ami gay” idéal, le personnage queer dont le rôle se résume à être LE cachet humour et joie de vivre. Toujours aux côtés de l’héroïne, il est prêt à dégainer sa palette de maquillage ou ses meilleurs gossips pour lui remonter le moral. En pratique : Eric n’échappe malheureusement pas à la réduction de toute sa personnalité autour de son orientation sexuelle. Mais le choix de la série d’aborder cette thématique de manière intersectionnelle, de créer des arcs autour de ses origines nigériennes, de la religion et de présenter une famille racisée fière des décisions de leur fils change des stéréotypes habituels et offre un personnage riche et plus complexe.
Jackson Marchetti : le sportif angoissé
En théorie : sûr de lui, macho, beau-parleur, toujours en couple avec la star du lycée… le sportif est le personnage creux par excellence, qui gravite autour des héro.ïne.s sans jamais vraiment rien apporter à l’histoire. Entre deux blagues sexistes et une scène d’harcèlement ou de beuverie, il finit par disparaître ou, dans de rares cas, par reconnaître que les cris gutturaux et la veste de footballeur ne pourront pas faire toute sa personnalité une fois le lycée quitté.
En pratique : si Jackson Marchetti n’est pas blanc, blond aux yeux bleus, on pouvait craindre un instant qu’il sombre vite dans le cliché au début de la saison 2. Mais avec ses intrigues autour de l’anxiété, sa sensibilité, son éducation et sa propre déconstruction avec ses intrigues amoureuses, le sportif que nous connaissons s’estompe peu à peu avant de totalement s’effacer.
Adam Groff : le bad boy touchant
Selon les règles du cinéma, toutes les filles aiment les bad boys. Alors que se passe-t-il quand le bad boy aime les hommes ?
Adam reprend le look et l’air peu aimable du stéréotype mais on comprend très vite que le personnage est lui-même étriqué dans le costume que les élèves du lycée lui ont donné. Ses excès de violence et démonstrations de virilité sont vite tournés en ridicule pour mettre en avant ses propensions auto-destructives. La série finit par rendre touchants ses problèmes de communication pour exprimer son mal-être, ses questionnements et sa lutte entre ses propres désirs et la menace d’un père autoritaire.
Le bad boy prend son envol et se reconnecte à sa sensibilité.
Ruby Matthew : Alpha Bitch
En théorie : Comment passer à côté du cliché de la “populaire” des lycées américains ? La parade dans les couloirs, au centre du trio, regards méprisants et rumeurs prêtent à se répandre, l’Alpha Bitch fait régner la terreur dans l’établissement.
En pratique : Ruby est prétentieuse, alimente son amour pour la mode par ses critiques acides et construit ses relations sociales sur le dédain. Pourtant très vite la série met en avant ses insécurités et contrairement au cliché de base on nous permet d’entrer dans son intimité. Dans la saison 3 on découvre sa famille et c’est un tout nouveau personnage qui se révèle à nous : loyal, sensible, affectueux et rongé par une peur de l’abandon.
L’Alpha Bitch se déconstruit et dévoile un personnage fort et complexe.