Les YouTubeurs ont très tôt incorporé de la musique dans leurs sketchs, les moyens augmentant et les productions se professionnalisant au fil des années. Alors, il n’a pas fallu longtemps pour que les premiers albums pointent le bout de leur nez. Tantôt franc succès, tantôt plantage total, le grand saut d’un YouTubeur dans l’univers musical ne laisse jamais indifférent. À l’occasion de la réception de Prime dans l’émission Clique jeudi 16 mai, revenons sur 6 YouTubeurs qui ont tenté une percée dans l’industrie musicale, du pire au meilleur.
McFly et Carlito : Quand le bon goût n’est pas la priorité
McFly et Carlito, c’est plus de 7 millions d’abonnés sur YouTube, mais à peine 100 000 auditeurs mensuel sur Spotify. S’il ne faut pas confondre chiffre et qualité, on remarque tout de même que le duo n’a pas le même succès en chanson que certains de leurs confrères. Et pourtant, le duo a dès le début réalisé des sketchs en musique. On pense notamment à ce qu’ils ont pu faire chez Golden Moustache ou encore le célèbre “J’effectue le dab” qui lancera leur chaîne YouTube en 2016 avec plus de 20 millions de vues à ce jour.
Malheureusement, pour un album, certains trouveront que la marche était un peu trop haute : humour forcé, chanson à thème qui manquerait un peu de subtilité et une réflexion qui serait lacunaire sur certains thèmes abordés. Le résultat final pourrait sonner creux. Même si on comprend la volonté d’aller dans la vanne, les deux amis peinent souvent à nous faire esquisser un sourire.
En résumé, si cet album est bien leur meilleur – comme le titre le laisse entendre, peu de fans auront manifesté leur envie d’écouter la suite.
Michou : Si le Bat 7 était un pavillon
Quand Michou débarque sur YouTube, il est l’étendard d’une nouvelle génération de créateurs de contenu, mais aussi d’auditeurs de rap. Ayant grandi en plein milieu du second âge d’or du rap français entre 2015 et 2020, le natif d’Amiens a publié en 2020 son seul et unique projet musical “My Life”. Pas de surprise malheureusement, cet EP est bien le portrait d’un jeune de 19 ans qui se lance dans le rap sans trop se poser de questions. Le résultat reste assez éloigné d’une proposition artistique intransigeante : autant dans le flow que dans l’autotune qui ferait vomir le Booba de 2008.
Si l’on apprend tant bien que mal à supporter la voix de Michou au fil du projet, on ne peut pas passer à côté des productions sorties tout droit des premiers type beats YouTube qu’il a pu trouver, et de ce réchauffé des flows et paroles de Koba LaD. Le YouTubeur poussera même cette parodie à l’extrême dans le clip de « M2LT » en arrivant au beau milieu d’une cité dans une Lamborghini verte accompagnée de tresses faites sur mesure pour l’occasion.
Pour finir sur une note positive, on notera que le YouTubeur a sorti un morceau en collaboration avec Gueule d’Ange en 2023. Sa voix y est plus posée et il n’a plus l’air de courir derrière la mesure. Un morceau qui rappelle que même quand tout peut sembler perdu, il reste de l’espoir.
Squeezie : Entre somnolence et coups d’éclats
Après les dizaines de millions d’abonnés et les plus de 10 milliards de vues à son actif, il était également temps pour le premier YouTubeur de France de plonger dans le grand bain avec son premier album “Oxyz”. Si avant ça le youtubeur nous avait habitué à des chansons humoristiques plutôt réussies, Oxyz se veut être, au contraire, un album plus sérieux et personnel qui dénote de ses précédentes productions. D’ailleurs, on sent chez Squeezie une véritable oreille musicale. Le roi de YouTube a su s’entourer pour cet album, le traitement de voix est impeccable et la sélection des productions est plus que pertinente.
Malheureusement là où ça pêche, c’est du côté du principal concerné. Au niveau des flows auxquels certains reprocheront d’être trop monotones, s’ajouteront les reproches sur un manque d’envie dans l’interprétation. Le constat est encore plus flagrant lorsqu’on le compare à la versatilité de Nemir sur Guépard. On lui notera tout de même une certaine science du refrain et une capacité à faire de vrais bon morceaux lorsqu’il s’agit de mélanger le registre sérieux et comique, comme avec “Adieu les filles” présent sur la Zizi Caca Mixtape de ses amis de Légendes Industries.
Prime : un rappeur crédible
Avec Mister V, Prime est l’un des premiers youtubeurs à s’être véritablement lancé dans le rap dès 2016. Au total Prime, c’est trois projets, trois disques d’or, avec comme point d’orgue un Olympia rempli en 2019 et une présence aux ardentes en 2018, 2022 et 2024.
On sent chez le rappeur originaire de La Courneuve un certain bagage rapologique et une aisance dans sa manière de poser, il explore toute son amplitude vocale et est autant à l’aise sur des tentatives de tube comme “Melrose” que sur un registre plus chilll comme “J’aime pas l’amour’. Habile également dans le choix de ses productions, on sent chez lui une volonté de se différencier par une certaine singularité dans la musicalité, notamment via l’ajout d’éléments organiques comme le saxophone melrose ou la flüte de Wooptidoop.
Là ou le bas blesse, c’est lyricalement, avec des paroles qui ont pu être qualifiées de simplettes voire maladroites. Prime ne se prend pas la tête et c’est bien là où semblerait résider le problème. Si cette spontanéité a fait le succès d’artistes comme JuL, pour le grand ami de Kameto, c’est tout l’inverse, et c’est ce qui contribue en partie à faire de sa musique quelque chose de sympathique, mais relativement oubliable.
Cependant, avec son dernier projet Montana sorti en début d’année, le rappeur a su combler une partie de ses lacunes, ce qui ne présage que du bon pour la suite.
Thédort : une transition surprenante
Si tous les YouTubeurs présents dans cette liste ont fait de la musique un business parallèle à leur activité sur Internet, il en est tout autre pour Théodort. En effet, bien que s’étant fait connaître sur YouTubeurs avec notamment ses célèbres parodies de rappeurs, celui-ci a pris un tournant radical en supprimant toutes ses vidéos pour se lancer à plein temps dans sa carrière musicale.
Auteur d’un premier 3 titres rap en 2022, l’ancien YouTubeur a pris tout le monde au dépourvu en début d’année en annonçant un virage musical vers l’afrobeat et l’amapiano. Une transition musicale pleinement réussie tant on prend conscience en écoutant « Toko Dombi » que l’acolyte de Mastu a compris les codes de l’afrobeat : la prod est riche, les placements sont efficaces et le refrain transmet une énergie folle. Même chose pour le deuxième single « Wayeh », tout aussi efficace dans un registre plus langoureux.
À lui seul, ce single montre que Théodort a enfin trouvé un style qui lui correspond pleinement, plus que dans le rap ou, sans être mauvais, on sentait trop la posture du YouTubeur qui joue au rappeur. Son premier album Imad sera disponible le 24 mai.
Mister V : le faiseur de miracles
Finissons avec celui qui a autant réussi dans le rap que sur YouTube, l’inévitable Mister V. Le grenoblois a très rapidement créé une chaîne YouTube dédiée à la musique en parallèle de ses sketchs. Bien que les premières tentatives gardent un ton humoristique, on sent tout de même la volonté de proposer de la bonne musique avant tout, bien produite et bien rappée. Petit à petit, au fil des années, sa proposition s’affine et devient de plus en plus sérieuse jusqu’à la sortie de son premier album « Double V » en 2017.
Véritable réussite avec un disque de platine à la clé, sans rien révolutionner, ce premier disque a tout de même tout d’un savoureux mélange entre son Californien, bon rap et dose de fun amenée par une personnalité déjà bien marquée. Avec « MVP » en 2020, Mister V signe avec un véritable blockbuster avec en point culminant des collaborations prestigieuses : Dosseh, Jul et PLK (avec lequel il sera certifié single de diamant.) L’album remplit avec brio toutes les cases d’un album accessible mais recherché, on regrettera cependant un certain lissage de son écriture qui efface une partie de sa personnalité et une longueur qui ne facilite pas la route.
Dernièrement, le désormais auto-proclamé pizzaïolo, semble prendre un nouveau virage avec son morceau Bootleg et son featuring avec 8ruki : productions plug, flows chuchotés, lyrics vicieux, ce rebranding remet en avant sa personnalité et n’annonce que du bon pour la suite.
Pablo Bourdoiseau