Sous le ciel d’Alice, le premier long-métrage de Chloé Mazlo, sort le mercredi 30 juin en salle.
Après de nombreux courts-métrages primés (dont le César du meilleur court-métrage d’animation en 2015 pour Les Petits Cailloux), Chloé Mazlo présente aujourd’hui son premier long-métrage, Sous le ciel d’Alice. Une œuvre sélectionnée à la 59ème édition de la Semaine de la Critique à Cannes, avec Alba Rohrwacher et Wajdi Mouawad dans les rôles principaux.
Sous le Ciel d’Alice, bande-annonce.
Dans les années 50, la jeune Alice quitte la Suisse pour les terres ensoleillées et exubérantes du Liban. Là-bas, elle a un coup de foudre pour Joseph, un astrophysicien malicieux qui rêve d’envoyer le premier Libanais dans l’espace. Alice trouve vite sa place dans sa belle-famille. Mais après quelques années de dolce vita, la guerre civile s’immisce dans leur paradis…
Quand la petite histoire rencontre la grande
La particularité du film ? Le récit se déroule dans les souvenirs (souvent oniriques) d’Alice ; on l’accompagne dans la construction de son paradis, puis dans son déni et sa désillusion face à l’effondrement de son pays d’adoption.
« Son expérience soulevait plus de questions que si elle avait été libanaise, car elle avait la possibilité de partir », confie Chloé Mazlo. Pour créer ce personnage intriguant et touchant de liberté, la réalisatrice s’est inspirée de sa grand-mère suisse, partie à Beyrouth en tant que nurse dans les années 50, et qui tomba amoureuse du pays et d’un homme, son grand-père. « Tout au long de l’écriture, elle est restée une référence, car j’avais besoin que la base émotionnelle du récit soit réelle. »
« Pour mon premier long-métrage, je voulais emmener ces récits là où leurs anecdotes s’arrêtaient, et associer leur fantaisie à la souffrance de la dislocation d’une famille. » Chloé Mazlo
Depuis l’enfance, Chloé Mazlo est fascinée par le Liban. La réalisatrice a grandi avec le récit de cette guerre, qui lui a été narré par ses grands-parents et ses parents ; un conflit qui lui était « conté comme un capharnaüm surréaliste, une folie fratricide dépourvue de logique, dans laquelle se mélangeaient des histoires de farces et attrapes et de cadavres. »
Avec la collaboration du scénariste Yacine Badday à l’écriture, la réalisatrice a cherché à garder une bonne distance par rapport aux faits historiques. Les différents évènements du conflit rythment le film et la vie d’Alice, mais ne sont jamais exposés de manière frontale ; leur évocation passe par une image dans un poste de télévision, la Une d’un journal ou encore le grésillement d’une radio.
Sortir du réel… tout en représentant la guerre
Chloé Mazlo s’est beaucoup interrogée sur la façon de représenter le conflit. « Au tout début, j’avais envie d’expliquer cette guerre, d’en dénoncer son absurdité, sa barbarie… Mais je me suis rendue compte que ce ton ne me correspondait pas, car ce n’est pas ma façon de parler – et encore moins de faire des films. » Sa façon de parler, c’est un ton décalé, une touche fantastique et onirique que l’on retrouvait déjà dans ses courts-métrages. Pour Chloé Mazlo, la solution a été de signer une œuvre à l’esthétique fantaisiste et colorée, quasiment picturale.
Wajdi Mouawad et Chloé Mazlo sur le tournage du film.
Certaines des scènes les plus marquantes du film empruntent au surréalisme, mélangeant animation et prises de vues réelles.
« Je pense qu’il faut amener une dimension un peu burlesque à cette guerre, d’autant plus dans ce film, parce qu’on la voit dans les souvenirs d’Alice. On est dans le fantasme qu’elle a de son pays, il fallait un décalage avec le naturalisme. » Un pas de côté qui se traduit notamment par un travail minutieux de la pellicule et de l’utilisation du format Super 16, qui donne à l’image une touche vieillie.
« Nous voulions nous rapprocher de l’archétype de la photo de famille des années 70, dans les cadrages et la lumière, » explique Chloé Mazlo.
L’image évoque une photo de famille d’une autre époque, qui s’anime et prend vie. Dans la même veine lo-fi, la réalisatrice dissémine le long de l’histoire des séquences poétiques en stop motion, volontairement réalisées de façon artisanale. Une technique qui, « de par sa fantaisie, permet aussi de rendre le couple d’Alice et Joseph d’autant plus attachant. »
Pour interpréter ce couple lunaire, Chloé Mazlo cherchait des acteurs à la fois charismatiques et doux, qui parviennent à dire beaucoup sans avoir besoin de trop parler, car elle « fait davantage confiance aux images et à la vérité des gestes. » Alice et Joseph forment un couple d’une délicatesse extrême ; à travers eux, la réalisatrice dévoile une histoire d’amour pudique, dans une retenue teintée d’humour.
« J’ai eu un parcours qui n’était pas censé me prédestiner au cinéma… »
C’est un chagrin d’amour qui donne à Chloé Mazlo l’envie de raconter des histoires sur grand écran. Étudiante en graphisme aux Arts Décoratifs de Strasbourg, elle est venue, de façon assez innocente, à l’animation au cours de ses études. Un « terrain de jeu infini », qui l’amène petit à petit vers la réalisation de films. Aujourd’hui, c’est cette approche un peu naïve et insouciante qu’elle essaie de garder dans ses films.
Elle se spécialise dans la réalisation de films d’animation, au croisement de différentes techniques cinématographiques. Ses courts-métrages ont été sélectionnés dans de nombreux festivals français et internationaux, diffusés à la télévision sur France 2 et Canal+, et primés à plusieurs reprises. En 2015, Les Petits Cailloux remporte le César du meilleur court-métrage d’animation. Sous le ciel d’Alice est son premier long-métrage.
« L’héritage qui m’a été légué par ma famille, ce sont ces histoires qu’elle m’a racontées sur le Liban. À travers ce film, j’espère avoir réussi à lui rendre hommage. »
Images à la une : Affiche officielle du film « Sous le ciel d’Alice » de Chloé Mazlo
Images dans l’article : @ Pascal Chantier « Sous le ciel d’Alice », un film de Chloé Mazlo – Avec Alba Rohrwacher (Alice), Wajdi Mouawad (Joseph), Isabelle Zigondhy (Mona), Odette Makhlouf (Amal), Hany Tamba (Georges), Maria Tannoury (Mimi), Jade Breidi (Rima), Ziad Jallad (Selim), Cherbel Kamel (Wald) et Cécile Moubarak (Raymonde) – Hélène Louvart DOP