Aves ses femmes déshabillées prenant des poses sexy, le calendrier Pirelli célèbre l’érotisme féminin depuis plus de 50 ans. Pour dénoncer le manque de féminisme de la marque, la photographe Andrea Marshall lance sa propre version : le "Calendrier Féministe".
Des femmes dénudées, faisant la moue, le dos vouté et les cheveux ébouriffés… tout le monde a déjà vu, au moins une fois dans sa vie, le calendrier Pirelli et sa représentation hypersexualisée des femmes. La marque de pneus façonne les idéaux de la beauté féminine depuis plus de 50 ans, sans qu’il n’y ait pour autant d’ambition féministe derrière.
Le dernier projet d’Andrea Mary Marshall, repéré par Dazed, « The Feminist Calendar » (« Le Calendrier féministe »), soulève justement ce problème. Afin de bousculer les codes érotiques du regard exclusivement masculin, la photographe a créé sa propre vision du Calendrier Pirelli, aussi appelé « Le Cal ». Juxtaposant deux photos de femmes pour chaque mois – une version sexualisée et une autre plus sobre – son projet vise à mettre en lumière les complexités de la condition féminine.
Contactée par Clique, l’artiste raconte comment lui est venue l’idée :
« Je regardais un exemplaire du calendrier Pirelli des années 1970, photographié par Hans Feurer et Brian Duffy. J’ai toujours adoré ces calendriers, mais, tout d’un coup, j’ai été frappée par l’incohérence entre le rôle du Calendrier dans la création de normes occidentales de la beauté féminine et l’absence de femmes dans l’élaboration du « Cal ». Dans ces cinquante dernières années, seules quatre femmes photographes ont travaillé pour le calendrier Pirelli. »
Au total, le Calendrier Féministe regroupe 24 photos prises par Andrea Mary Marshall elle-même. Pour le mois de janvier, elle se met en scène devant l’objectif. Les images plus « sexy » s’inspirent beaucoup du calendrier Pirelli, tandis que les autres montrent la même femme, mais au naturel. Ce que révèle ici la photographe, ce sont finalement deux facettes de la vie d’une femme qui sont rarement montrées ensemble. « Je voulais aller plus loin que la vision binaire de la féminité prônée par Pirelli, c’est-à-dire « sexy » ou « sérieuse ». » Elle poursuit :
« Avec mon projet, je cherche à transmettre le message suivant : l’identité féminine devrait être une question de choix. Mon caractère sérieux et mon côté sexy sont tous les deux aussi importants. Je voulais analyser la féminité comme un ensemble d’identités concurrentes. »
Depuis qu’elle a démarré son projet, la marque a en effet prix un tournant majeur : dans l’édition 2016 du calendrier, vous ne trouverez plus de photos de mannequins dénudées. A la place, on pourra y voir le portrait de treize femmes célèbres qui ont eu un impact sur la société américaine. Parmi elles, on trouvera pêle-mêle : Yoko Ono, Patti Smith, Serena Williams, l’auteure américaine Fran Lebowitz, l’actrice Amy Schumer, la blogueuse Tavi Gevinson, l’artiste iranienne Shirin Neshat, ou encore la réalisatrice de Selma Ava DuVernay. Le tout, photographié par Annie Leibovitz.
Coup de pub ou velléités féministes ? Pour Andrea Mary Marshall, « Pirelli a le mérite d’avoir toujours favorisé le dialogue à propos de la perception des femmes dans les médias. » Elle ajoute : « Mais ici, le message reste le même. Les femmes sexy enlèvent leurs vêtements, et les femmes puissantes restent habillées. » Puis conclut en rappelant sa démarche :
« A travers mon calendrier, je cherche juste à montrer qu’être femme, ce n’est pas seulement être sexy. La façon dont chacun choisit de se réaliser ne doit pas se traduire par un choix binaire. »