Fondée en septembre dernier par deux étudiants de l'ESCP Europe, l'association Wintegreat se bat pour redonner une chance aux réfugiés diplômés ou ayant un niveau équivalent au Baccalauréat, de reprendre leurs études. Grâce à des cours de français et de culture francophone, les étudiants de la structure pourront étudier dans de meilleures conditions la langue de leur pays d'accueil.
Ils ont dû fuir leur pays en guerre, s’exiler dans un autre, et vivent à présent au jour le jour. Telle est la situation des réfugiés, syriens pour la plupart, en France en 2016. Avant d’être réfugié, ces femmes et ces hommes avaient tout construit dans leur pays, aujourd’hui ils ne savent pas de quoi sera fait leur lendemain. Après avoir tiré un trait sur leur vie d’avant, ils doivent maintenant tout recommencer dans un pays qu’ils ne connaissent pas, et dont ils ne maîtrisent même pas la langue.
« Eux c’est nous, tout simplement ».
La phrase résonne comme un mantra chez Théo Scubla – 21 ans – et Eymeric Guinet – 20 ans – qui ne cessent de répéter ces mots devenus devise pour eux. Sans attendre personne, ces deux étudiants à l’ESCP Europe ont décidé de s’engager aux côtés des réfugiés diplômés dans leur pays, pour leur permettre de refaire leur vie en France. C’est là toute l’ambition de Wintegreat. L’idée : pendant un semestre entier, les étudiants du programme suivront des cours de FLE (Français Langue Etrangère) ainsi que des cours de culture française. « On a mis en place beaucoup de cours de français, mais aussi des autres de culture et d’histoire. Le français est un élément ultra nécessaire, c’est leur premier besoin » détaille Théo. Avant de se lancer, les deux étudiants ont passé plusieurs mois à échanger avec des réfugiés déjà scolarisés à l’ESCP pour mieux comprendre les données du problème avant de tenter de trouver une solution à la fois solidaire et viable.
Wintegreat : Trois mots dans un seul (Gagner, Intégrer, Super en version française) pour exprimer l’ambition du projet.
En plus des cours, chacun de ces étudiants se verra accompagné par deux bénévoles : le premier se chargera des démarches administratives et de l’aspect pédagogique, le second s’occupera d’entretenir un lien plus informel, amical avec l’étudiant de Wintegreat pour l’aider à se sentir le plus à l’aise possible. L’encadrement se compose également d’un ancien élève ou d’un professionnel du milieu que le réfugié souhaiterait intégrer par la suite. À l’issue de ce semestre les étudiants se présenteront à l’examen du DELF (Diplôme d’Études en Langue Française reconnu par l’État) qui leur permettra de revenir plus facilement sur les bancs de la faculté en France, ou de pouvoir postuler avec plus de chances à un emploi.
Accompagner plus qu’accueillir, c’est la mission que se sont fixés les équipes de Wintegreat menées par Théo et Eymeric. En mai dernier s’est terminé le premier semestre de la structure présente au sein de l’ESCP Europe ainsi qu’à Science Po Paris qui ont accueilli une trentaine d’étudiants. Six mois en classe de FLE paraissent certes bien insuffisant pour apprendre correctement le français, mais la structure a le mérite d’offrir une parenthèse de stabilité pour quelques mois à ces réfugiés.
Les équipes de l’association expliquent le triple accompagnement de Wintegreat.
« Cela change beaucoup de choses pour eux et ils ont dès lors la capacité de se projeter, et de vraiment commencer à reconstruire à côté l’environnement social, potentiellement le temps de pouvoir ramener sa famille ».
Loin d’adopter la posture de l’apprentissage unilatéral, Eymeric cultive l’humilité face à des étudiants réfugiés qui sont le plus souvent plus âgés que les bénévoles. « On s’est rendus compte que c’était pas nous les coachs mais c’est bien souvent eux qui nous coachaient en fin de compte. ‘Eux c’est nous’ on se le disait beaucoup au début, on se la dit toujours aujourd’hui, mais en fin de compte on ne la comprendra jamais assez bien », philosophe Théo qui entretient une relation d’amitié très forte avec les étudiants réfugiés.
« On essaie de construire un nouveau Nous ».
La photo de classe de Wintegreat au grand complet.
« Depuis quelques mois les personnes ont l’air d’être beaucoup plus sensibles à la question. Pourtant pour nous c’est le moment ou il ne faut pas trahir les espoirs que certains ont placé en nous. C’est important d’être juste, d’être responsable. Il reste beaucoup à faire, ce n’est pas encore gagné »
Les jeunes hommes comptent bien exporter le projet à d’autres établissements comme l’ESSEC et l’Institut Catholique de Paris dès septembre prochain afin de permettre à une centaine d’étudiants réfugiés d’accéder à ces cours.
Pour atteindre cet objectif une collecte de fonds a été mise en place pour permettre aux citoyens de participer à l’aventure Wintegreat. Sans attendre les politiques, Théo et Eymeric assument leur responsabilité en tant que représentant de la société civile pour le prendre le problème des réfugiés à bras le corps. « Plus on fait ce que l’on fait au quotidien plus cela nous parait évident. Comme on est sur le terrain, on sait aussi que l’État fait des choses et heureusement. Mais son efficacité est parfois relative, et cela nous prouve que l’on a raison de faire ce que l’on fait », tranche Eymeric, qui vient de finir sa première année de Master avec Théo. En même temps qu’ils construisent leur avenir, ces deux-là font continueront à conjuguer leurs études et la promesse d’un nouveau futur en France pour ces réfugiés.
Photographie à la Une © Wintegreat.